Dans un contexte où les interactions humaines sont limitées, le concept de signature électronique est sur toutes les lèvres. Certains en connaissent les avantages mais encore (trop) peu l’utilisent au quotidien, probablement faute d’avoir eu l’occasion de tester cette solution technologique en pratique.

La signature électronique a en effet le vent en poupe dans la mesure où elle est devenue un moyen utile, voire indispensable pour certains, de répondre aux contraintes actuelles imposées par les mesures de homeworking et de distanciation sociale. Anciennement, les contrats et autres documents étaient quasi systématiquement signés au cours de réunions physiques. Le fait d’écrire cette phrase sonne quelque peu étrange… et pourtant, nul n’aurait pensé que ce changement de paradigme lié à la digitalisation subisse une telle accélération entre 2020 et 2021.

Il a ainsi fallu trouver des alternatives urgentes et fiables afin de continuer à exercer ses activités et faire preuve de résilience en toute hâte pour répondre concrètement à certaines problématiques accentuées par la crise.

La signature de contrats ou de documents, que ce soit en interne (avec votre personnel) ou en externe (avec vos clients et vos prestataires et fournisseurs), à des fins personnelles ou business, a dû se réinventer. La signature électronique est déjà devenue incontournable pour certains et s’apprête vraisemblablement à être adoptée de manière plus large par les plus indécis.

L’objectif de cet article est de présenter de manière pragmatique la signature électronique et de convaincre les lecteurs, encore perplexes, de son attrait, au service des relations contractuelles.

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Seules les signatures électroniques qualifiées sont considérées comme légalement équivalentes à une signature manuscrite et bénéficient automatiquement d'une reconnaissance à l'échelle de l'UE, et sont autosuffisantes devant un tribunal puisqu’elles ne nécessitent aucune preuve supplémentaire.

Différents types de signature électronique

Le Code civil luxembourgeois définit la signature électronique comme un ensemble de données, liées de façon indissociable à l’acte, qui en garantit l’intégrité et satisfait à la condition d’identification du signataire et manifeste son adhésion au contenu de l’acte (1). Autrement dit, une signature électronique est tout type d'image, de signe ou de marque lié à l'identité qu’un signataire appose sur un document, traduisant son acceptation ou son approbation personnelle et contraignante (par exemple le fait de signer avec un stylet – ou même son doigt – un bon de livraison sur une tablette pour accuser réception d’un bien ou le fait de cocher des conditions générales en ligne).

Un règlement européen, dit « eIDAS »(2), est entré en vigueur en 2016 et fixe des règles communes à l’échelle européenne sur des « services de confiance »(3), comme la signature électronique. Ces services constituent des éléments essentiels dans la stratégie digitale du secteur privé et du secteur public.

Au niveau luxembourgeois, la loi du 14 août 2000 sur le commerce électronique (plus communément appelée la loi « e-Commerce ») a introduit en droit luxembourgeois la possibilité de signer des contrats de manière électronique. Cette loi a récemment fait l’objet d’une modification en juillet 2020 afin d’être parfaitement alignée avec le règlement eIDAS précité. Le droit luxembourgeois a adopté les trois catégories de signatures électroniques telles que définies dans le règlement eIDAS et qui sont décrites plus en détail ci-après.

Enfin, le Code civil luxembourgeois consacre encore quelques lignes à la signature électronique et précise entre autres qu’un acte sous seing privé électronique (par exemple tout contrat ou document) vaut comme original lorsqu’il présente des garanties fiables quant au maintien de son intégrité à compter du moment où il a été créé pour la première fois sous sa forme définitive(4).

Signature électronique simple

La signature électronique simple correspond à des données en format électronique qui sont jointes ou associées logiquement à d'autres données sous forme électronique et qui sont utilisées par le signataire pour manifester sa volonté de signer (par exemple, l’apposition de votre signature manuscrite scannée à la fin d'un e-mail).

Ce type de signature électronique constitue la forme la plus basique qui existe et, par conséquent, représente la forme la moins sûre – d’un point de vue juridique – des signatures électroniques en ce qui concerne leur force probante inhérente.

Ici, celui qui se prévaut de la signature devra en cas de litige en prouver la validité, ce qui peut s’avérer compliqué, le contenu du document signé par ce type de signature n'étant pas protégé et pouvant être modifié, même après l’apposition de cet te signature électronique (simple).

Signature électronique avancée

La signature électronique avancée nécessite la réunion de conditions plus poussées : cette signature doit (i) être liée de manière unique au signataire, (ii) être capable d'identifier le signataire, (iii) être créée à l'aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un haut niveau de confiance, utiliser sous son seul contrôle et (iv) être liée aux données signées avec elle de manière à ce que toute modification ultérieure des données soit détectable.

Pour ce type de signature électronique, le document signé est protégé en ce sens que toute modification ultérieure sera visible, ce qui rend la preuve de la validité de la signature plus aisée pour la personne qui s’en prévaut.

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Il existe un principe général de « nondiscrimination » qui interdit à un juge de nier la valeur probante d’une signature au seul motif qu'elle se présente sous une forme électronique. Dans ces circonstances, le juge sera obligé d'examiner la signature, mais restera libre dans son appréciation finale, sauf s'il s'agit d'une signature électronique qualifiée.

Signature électronique qualifiée

La signature électronique qualifiée doit, en plus de respecter les conditions de la signature électronique avancée, être basée sur un certificat qualifié pour les signatures électroniques qui est délivré par un tiers de confiance (par exemple, une signature effectuée grâce à une carte d'identité électronique).

Cette signature offre le plus haut niveau de protection et de sécurité du document (qui ne peut être modifié après la signature) et confirme de manière unique l'identité du signataire.

Seules les signatures électroniques qualifiées sont considérées comme légalement équivalentes à une signature manuscrite et bénéficient automatiquement d'une reconnaissance à l'échelle de l'UE, et sont autosuffisantes devant un tribunal puisqu’elles ne nécessitent aucune preuve supplémentaire.

Il résulte des différents types de signatures électroniques que le choix final dépendra principalement de la nature du document, de l’importance de la transaction et d’un éventuel risque de contestation de l’intégrité du document. En définitive, une réelle analyse de risque sera nécessaire afin de déterminer le niveau d’exigence optimal d’une signature électronique, en fonction des circonstances, vu que la force probante des documents fluctuera en fonction du type de signature électronique utilisé.

Principaux avantages de la signature électronique

Grâce à la dématérialisation digitale de leur signature, les parties sont désormais dispensées d’être physiquement présentes pour la validation d’un contrat ou un document. Il semblerait que l’éventuel frein psychologique qui pouvait exister pour la signature de documents à distance il y a quelques années encore se résorbe progressivement au profit de cette technologie novatrice.

Cette gestion « à distance » permet également, lorsqu’elle est maîtrisée, de gérer plus rapidement et plus efficacement la gestion des signatures (tant en interne (ex : boards, signatures d’employés, etc.) qu’en externe (ex : prestataires de services, clients, etc.)). En effet, dès qu’une solution de signature électronique est correctement implémentée en interne, les déplacements et manipulations chronophages (impressions, vérification des signatures, scans, renvoi des documents, etc.) sont évités. Mieux encore, le respect des exigences de forme (par exemple la condition d’avoir autant d’originaux que de parties ayant un intérêt distinct(5)) habituellement nécessaires pour la signature originale « manuscrite » d’un document disparaissent.

Par ailleurs, le document signé de manière électronique sera disponible immédiatement pour l’ensemble des signataires et l’intégrité de son contenu généralement assurée (la force probante variant en fonction du type de signature électronique utilisé(6)). Le lieu où se trouvent les signataires et l’heure à laquelle ils apposent leur signature deviennent secondaires dans ce processus dont un des objectifs est de gagner en productivité et en efficience.

Principaux inconvénients de la signature électronique

Bien que l’utilisation de la signature électronique soit de plus en plus répandue – parfois même sans en avoir pleinement conscience, son utilisation (systématique) reste encore timide dans certaines sociétés.

Outre le fait que certains types de documents ne peuvent pas être signés électroniquement(7), une des principales raisons est le côté technique de la solution qui peut bloquer en amont son adoption, en particulier pour les signatures électroniques qualifiées qui impliquent parfois un processus assez lourd. Il convient également de tenir compte du prix parfois non négligeable du déploiement et d’utilisation de cette solution. Il existe cependant, tant au Luxembourg qu’ailleurs en Europe, une multitude de prestataires de services dont la mission principale est de démocratiser la signature électronique. Cette concurrence en termes d’offres de solutions devrait logiquement améliorer les conditions d’implémentation de cette solution(8).

Des difficultés juridiques peuvent également survenir pour les documents « hybrides » (à savoir ceux qui ont été signés électroniquement par certains signataires et de manière manuscrite par d'autres ou lorsqu’un même document a été signé électroniquement puis imprimé et qu'une signature manuelle y est ajoutée par la suite).

Dans ces cas de figure, l’assouplissement de la règle relative au nombre d’exemplaires originaux consacrée par le Code civil luxembourgeois ne semble pas s’appliquer. En effet, l’intégrité du document n’est pas garantie. La conséquence la plus importante reste néanmoins celle liée à l’absence relative de force juridique de ce type de document puisqu’il ne constituera, tout au plus, qu’un commencement de preuve par écrit. En cas de litige, ce type de document n’aura qu’une valeur probante relative, en fonction de l’importance que voudra bien lui accorder un juge en fonction des circonstances de l’espèce.

Pour contrebalancer cet inconvénient, il existe un principe général de « nondiscrimination » qui interdit à un juge de nier la valeur probante d’une signature au seul motif qu'elle se présente sous une forme électronique. Dans ces circonstances, le juge sera obligé d'examiner la signature, mais restera libre dans son appréciation finale, sauf s'il s'agit d'une signature électronique qualifiée auquel cas celle-ci aura la même valeur probante qu’une signature manuscrite originale.

Enfin, un autre risque concerne l’archivage de ces documents. Si les archives papier ont généralement fait l’objet de mesures de conservation en fonction de l’organisation des entreprises/institutions, l’utilisation systématisée de signature électronique pour les documents requerra une gestion encore plus efficace des archives. En effet, en l’absence d’original papier, il conviendra de mettre en place une politique d’archivage efficiente des documents et contrats signés électroniquement, tout en respectant la politique interne RGPD de conservation des données. En l’absence de telles mesures, il pourra se révéler compliqué de retrouver les documents signés qui seraient restés isolés dans des boîtes mails du personnel.

Conclusion

Malgré les inconvénients exposés, les nombreux avantages et la reconnaissance juridique européenne font de la signature électronique un outil indispensable dans le monde des affaires. La pratique démontre d’ailleurs que de plus en plus d’adeptes se laissent convaincre par son efficacité.

Les signatures électroniques avancées et qualifiées, plus sécurisantes d’un point de vue juridique, gagnent du terrain et traduisent la volonté de certaines entreprises d’aller davantage vers une gestion digitale des contrats.

En ce sens, la signature électronique constitue sans aucun doute une pièce maîtresse au service des relations contractuelles, qu’elles soient internes ou externes.

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(1) Art. 1322-1 du Code civil.
(2) Règlement (UE) 910/2014 du 23 juillet 2014.
(3) Ces services incluent des services liés à des cachets électroniques, à l’horodatage électronique, à l’envoi recommandé électronique, à l’authentification de sites Internet.
(4) Art. 1322-2 du Code civil.
(5) Art. 1325 du Code civil.
(6) Cfr infra.
(7) Par exemple les actes notariés.
(8) LuxTrust propose 5 signatures électroniques gratuites par mois avec son système LuxTrust COSI.