L’article L.124-7 du Code du travail accorde « au salarié licencié avec préavis », « ayant une ancienneté continue de 5 années au moins auprès du même employeur », une indemnité de départ « lorsqu’il ne peut faire valoir des droits à une pension de vieillesse normale ». Le montant de l’indemnité est fonction de l’ancienneté du salarié, laquelle est appréciée à la fin du préavis, même si le salarié bénéficie d’une dispense.

Toutefois, l’employeur occupant moins de 20 salariés peut décider dans la lettre de licenciement, au lieu de verser une telle indemnité, de prolonger le délai de préavis. La durée de la prolongation du préavis sera également fonction de l’ancienneté du salarié. Dès lors, si l’employeur fait le choix de cette prolongation, le salarié ne peut plus prétendre à une indemnité de départ.

Dans une décision du 1er avril 2021, la Cour de cassation de Luxembourg vient de rappeler ce principe(1).

Dans cette affaire, un employeur avait licencié une salariée. La lettre de licenciement précisait que l’employeur, qui occupait moins de 20 salariés, avait, en lieu et place du versement d’une indemnité de départ, choisi de prolonger le préavis de la salariée. Compte tenu de son ancienneté, le préavis de cette salariée avait alors été porté à 12 mois. Toutefois, alors que la salariée était en maladie depuis 52 semaines, son contrat de travail a pris fin, de plein droit, à cette échéance. Cette fin de contrat a eu lieu au cours des 6 premiers mois de préavis. Dès lors, la partie prolongée du préavis n’a pas été prestée, le contrat ayant pris fin de plein droit du fait de la durée de la maladie.

La salariée a saisi le tribunal du travail pour, notamment, solliciter le versement de l’indemnité de départ de 6 mois de salaire, alors qu’elle n’avait pas pu prester la prolongation de son préavis, son contrat ayant pris fin de plein droit après une durée d’incapacité de 52 semaines.

La question était donc de savoir si la salariée, dont le contrat de travail avait pris fin de plein droit, pouvait prétendre au versement de cette indemnité de départ au motif qu’elle n’a pas pu prester cette période prolongée de préavis. Les premiers juges ont déclaré cette demande irrecevable au motif qu’elle n’avait pas été formulée dans la requête initiale et la question n’a donc pas été tranchée à ce stade. Appel a été interjeté contre cette décision.

La Cour d’appel(2) a déclaré cette demande recevable et a retenu que l’indemnité de départ « reviendrait de droit à la salariée et il n’existerait que deux cas légaux qui excluraient l’attribution de l’indemnité de départ, en l’occurrence le licenciement pour faute grave et en cas d’attribution de la préretraite. En l’espèce, aucun des deux cas ne serait donné et A. aurait droit à l’indemnité de départ après plus de 20 ans de service auprès de l’employeur ».

Les juges d’appel ont relevé que le préavis n’avait pas pu être intégralement exécuté par la salariée en raison de la cessation de plein droit du contrat de travail au cours des premiers 6 mois du préavis. Or, le bénéfice de l’indemnité de départ n’est exclu que dans les deux cas d’exception visés.

Considérant que cette indemnité réparait un préjudice causé par la rupture unilatérale du contrat, ils ont alors retenu que le droit à cette indemnité prenait naissance à la date du licenciement, même si l’exigibilité de l’indemnité de départ était reportée au moment où la salariée quittait effectivement le travail. Ils en ont conclu que, dans la mesure où, comme en l’espèce, la prolongation du préavis n’avait pas pu être exécutée, le droit à l’indemnité de départ, qui a pris naissance au moment du licenciement, était devenu exigible au moment de la cessation de plein droit du contrat. En conséquence, l’employeur a été condamné à verser l’indemnité de départ.

Devant la Cour de cassation

Les magistrats de la haute juridiction ont acté le fait que la décision de l’employeur, d’opter pour une prolongation du préavis, conformément à l’art L.124-7 par.2 du Code du travail, avait bien été notifiée dans la lettre de licenciement.

Dès lors, ils ont adopté une position très différente : « Dès lors que l’option exercée par l’employeur dans la lettre de licenciement de ne pas verser à la salariée une indemnité de départ, mais de prolonger le délai de préavis légal, exclut dans le chef de la salariée la naissance du droit à une indemnité de départ, les juges d’appel, en retenant que le droit de la salariée à une indemnité de départ qui avait pris naissance au moment du licenciement avec préavis était devenu exigible au moment de la cessation de plein droit du contrat de travail au motif que la conversion de l’indemnité de départ en prolongement du préavis ne pouvait plus être exécutée, ont violé les dispositions visées au moyen ». L’arrêt a donc été cassé.

Dès lors, le choix de l’employeur pose le cadre : soit une indemnité de départ est versée, soit elle est transformée en une prolongation du préavis. L’incapacité de la salariée de prester son préavis alors que son contrat de travail a pris fin de plein droit, n’ouvre pas le droit de revendiquer le versement de l’indemnité de départ en numéraire et de revenir sur l’option de l’employeur.

Me Céline Lelièvre Avocat à la Cour inscrite aux barreaux de Luxembourg (dcl avocats) et du canton de Vaud/ Suisse (Etude Mercuris Avocats, Lausanne), médiateur affilié à la Fédération Suisse des Avocats. Avocat en droit collaboratif
Me Céline Lelièvre Avocat à la Cour inscrite aux barreaux de Luxembourg (dcl avocats) et du canton de Vaud/ Suisse (Etude Mercuris Avocats, Lausanne), médiateur affilié à la Fédération Suisse des Avocats. Avocat en droit collaboratif

(1) Cour de cassation, arrêt du 1er avril 2021 – CAS- 2020-00034.

(2) CSJ 27 juin 2019 – CAL-2018-00566.