Travail à temps partiel, mise entre parenthèses de la carrière pour élever les enfants, divorce…, nombreuses sont les raisons qui font que les femmes ne cotisent plus à la Caisse de pension au cours de leur vie. Au moment de la retraite, beaucoup se retrouvent dans une situation précaire. Depuis des années, le Conseil National des Femmes du Luxembourg (CNFL) milite pour un partage des droits de pension dans le cadre de la réforme du divorce tout comme pour l’individualisation des droits à pension obligatoire dans le cadre d’une réforme globale du système des pensions. Entretien avec Anik Raskin, chargée de direction au CNFL.

Quelle est la situation actuelle des femmes en âge de pension par rapport aux hommes ?

Pour vous donner un exemple chiffré (2012), la pension moyenne, pension de survie incluse, d’un homme est de 2.106 EUR et de 1.404 EUR pour une femme. Ce dernier montant est donc en dessous du salaire minimum, ce qui oblige les femmes à demander un complément RMG. Cette mesure sociale implique que la femme n’ait pas de fortune personnelle, un bien immobilier, par exemple, car le RMG est remboursable.

De par leurs parcours professionnels ou privés, les femmes sont pauvres en droits personnels. Que propose le CNFL pour moderniser le système actuel des pensions en faveur des femmes ?

Le fait qu’un grand nombre de femmes perçoivent de petites pensions et soient souvent obligées de s’adresser à l’assistance sociale provient de notre système de pension basé sur l’idée que l’homme assure la subsistance de la famille par un travail à temps complet et en cotisant pendant 40
ans. Mais la société a évolué et la grande majorité des femmes qui travaillent ont des carrières variables. L’assurance pension ne prévoit pas de pension de vieillesse pour les personnes dont la carrière est inférieure à 120 mois, ni de mécanisme informant les personnes abandonnant leur affiliation personnelle sur les risques que comporte

la désaffiliation. Sur le plan privé, le taux de divorce est aujourd’hui d’environ 70 %, ce qui augmente encore le risque de précarité des femmes au moment de la retraite. Il faut savoir également que les femmes en âge de pension actuellement ont eu la possibilité légale de demander le remboursement de leur carrière et beaucoup d’entre elles ont vidé leur compte pension pour investir dans la vie de couple (par exemple logement). Ceci n’est plus possible aujourd’hui. Le système des années 50 est donc bel et bien révolu, mais pour le moment, c’est encore celui qui subsiste dans la logique de notre système d’assurance pension. Le CNFL est donc d’avis que chaque personne devrait être protégée individuellement par une obligation de cotiser pour tout adulte. Le CNFL plaide également pour une responsabilisation du couple et une protection égale des partenaires.

Comment le CNFL voit-il les choses ?

Actuellement, continuer à cotiser quand on interrompt sa carrière est une démarche volontaire. Le CNFL souhaite que cette démarche soit obligatoire afin d’obtenir une réelle individualisation des droits à pension.

En ce qui concerne les divorces, le CNFL plaide pour un partage obligatoire des droits de pension. Celui-ci pourrait s’opérer directement, dès le jugement de divorce, à la caisse de pension, sur base des cotisations payées durant les années de mariage par le couple et en scindant le montant en deux, ce qui permettrait d’alimenter le compte pension des femmes divorcées. Nous estimons que la décision de divorcer est l’affaire du couple et que la femme ne doit pas être la seule à en payer les conséquences.

Il faut savoir que pour la première mesure dont je viens de parler si celle-ci était mise en place aujourd’hui, elle ne sortirait ses effets qu’après 40 ans. Il est donc urgent de trouver au plus vite des solutions qui correspondent à la vie des femmes d’aujourd’hui.

Propos recueillis par Isabelle Couset