Adoptée en date du 8 juin 2016 et publiée au Journal Officiel de l’Union européenne le 15 juin 2016, la directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (la directive)(1) est entrée en vigueur le 5 juillet 2016. 

La directive met en place un certain nombre de mesures contre la divulgation d’informations et la protection de la confidentialité des secrets d’affaires. Elle met également en équilibre interdiction de divulgation illicite de secrets d’affaires et droits fondamentaux.

Les points principaux de la directive

1. Une définition harmonisée des « secrets d’affaires » : le but de la directive est ainsi de mettre les inventeurs et chercheurs sur un pied d’égalité par le biais d’un cadre légal commun, clair et équilibré, visant à décourager la concurrence déloyale et à faciliter l’innovation collaborative ainsi que le partage de savoir-faire bénéfiques.

La directive définit le secret d’affaires(2) comme une information secrète(3) ayant une valeur commerciale et faisant l’objet de dispositions raisonnables destinées à la protéger et la garder secrète. Sont donc couvertes par la définition « les savoir-faire, les informations commerciales et les informations technologiques lorsqu’il existe à la fois un intérêt légitime à les garder confidentiels et une attente légitime de protection de cette confidentialité »(4).

La valeur commerciale d’une information, quant à elle, existe si son obtention, son utilisation ou sa divulgation est susceptible de porter atteinte et de nuire au potentiel et aux intérêts économiques et financiers de la personne qui en a le contrôle.

2. Le caractère « licite » ou « illicite » de l’obtention du secret d’affaires : la directive prévoit d’une part l’obtention, utilisation, divulgation licites de secrets d’affaires et, d’autre part, l’obtention, utilisation et divulgation illicites de ceux-ci. L’obtention illicite d’un secret d’affaires résulte d’un accès non autorisé à celui-ci ou d’un comportement contraire aux « usages honnêtes en matière commerciale ». L’utilisation et la divulgation d’un secret d’affaires seront illicites dès lors qu’elles auront lieu suite à l’obtention illicite de celui-ci, suite à la violation d’un accord de confidentialité ou une obligation de non-divulgation et suite à la violation d’une obligation contractuelle ou autre de limiter l’utilisation de celui-ci.

La directive énonce encore que le fait que le destinataire savait ou aurait dû savoir qu’une information était directement ou indirectement issue d’un acte illicite rend son obtention, utilisation, divulgation illicites également.

Est toutefois considérée comme licite, notamment, l’information obtenue grâce à une découverte/création indépendante ou celle liée à l’ingénierie inverse d’un bien mis à la disposition du public ou non soumis à une obligation de confidentialité.

3. La protection de la liberté d’expression et du droit à l’information : en contrepartie de la protection de secrets d’affaires, la directive vise à préserver le droit à la liberté d’expression et d’information, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias, en accord avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne(5).

Par ailleurs, l’article 5 (b) de la directive protège expressément ceux qui, agissant dans le but de protéger l’intérêt public général, dévoilent un secret d’affaires afin de révéler une faute professionnelle ou une activité illégale. En conséquence, la protection des sources journalistiques et du droit d’investigation sont maintenus, et les personnes agissant de bonne foi qui révèlent des secrets d’affaires dans le but de protéger l’intérêt public général (les « lanceurs d’alerte ») bénéficient d’une protection adéquate. Il revient toutefois aux juges nationaux d’apprécier la nécessité de divulguer un secret commercial afin de dénoncer une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale.

Une dérogation est également prévue en matière de représentation salariale.

4. Les mesures de protection et de réparation prévues par la directive : la directive prend également en compte la nécessité de garantir des recours judiciaires justes, effectifs et dissuasifs, et d’assurer la cessation immédiate de toute acquisition, utilisation ou divulgation illicite d’un secret d’affaires, et ce tout en respectant et considérant le droit de défense, le principe de proportionnalité ainsi que les caractéristiques propres au cas d’espèce. C’est pourquoi les Etats membres devront prévoir des mesures, procédures et recours adéquats et garantir l’obtention d’une réparation civile contre et en prévention de telles fraudes. Pour cela, outre les dommages et intérêts, la directive prévoit une variété de solutions civiles en cas de dommages, telles que la cession ou l’interdiction de l’utilisation ou la divulgation, des saisies, la destruction de biens illicites…

Enfin, dans le cadre du déroulement des procédures judiciaires, la directive exige que les Etats membres établissent des règles minimum de protection et de préservation des secrets d’affaires au cours des procès afin que toute partie au litige et tout tiers prenant part au procès ne puisse utiliser ou divulguer les informations dont ils auraient eu connaissance durant la procédure. Une restriction de l’accès aux documents, aux audiences ainsi qu’aux retranscriptions pourra être prévue par les tribunaux, qui auront également la possibilité de ne publier que des versions non confidentielles des décisions rendues.

5. Délai de transposition : les Etats membres ont deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 9 juin 2018, pour adopter et transposer dans le droit national les nouvelles dispositions de la directive, qu’ils devront intégrer en respectant les exigences minimales, notamment en matière de mesures préventives communes contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites de secrets d’affaires, en matière de protection de leur confidentialité et dans le but de favoriser un fonctionnement harmonieux du marché intérieur.

Me Emmanuelle Ragot - Partner - Head of IP/TMT
Me Emmanuelle Ragot - Partner - Head of IP/TMT
Me Florence Delille - Senior Associate
Me Florence Delille - Senior Associate

 et Me Léa Bidani, Junior Associate - Wildgen, Partners in Law

(1) Directive (EU) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil européen du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicite, publiée au OJUE 15.06.2016, L157/1.

(2) Article 2 (1) de la directive.

(3) Selon la directive, secrètes « en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles ».

(4) Considérant 14 de la directive.

(5) Article 5 (a) de la directive.