Qui n’a pas récemment entendu parler des crypto-monnaies au vu de l’engouement qu’elles suscitent et de l’envolée des cours et de la spéculation qui les entourent ?

Mais qu’est-ce qu’une crypto-monnaie ? Avant de s’intéresser aux crypto-monnaies en tant que telles, il est indispensable de rappeler que leur existence est liée à la technologie sous-jacente de la blockchain, base de données contenant tout l’historique des échanges effectués entre les utilisateurs, et sans laquelle elles ne pourraient exister. Les crypto-monnaies sont historiquement le moyen de rémunération des mineurs pour la validation et la sécurisation des transactions sur une blockchain.

Le monde des crypto-monnaies a vu le jour pour la première fois avec des initiatives telles que le b-money en 1999 ou encore le bit gold en 2005. Mais la véritable révolution s’est produite avec la création en 2009 du Bitcoin par le mystérieux Satoshi Nakamoto dont l’objectif initial était davantage la décentralisation et la sécurisation des transactions de paiement ou de transferts de fonds que de la pure spéculation. L’ambition de cette nouvelle technologie était donc de sécuriser les transactions mais aussi de créer un système et une masse monétaire alternative en rien dépendante des structures étatiques telles que nous les connaissons.

En d’autres mots, les crypto-monnaies prennent l’apparence de monnaies telles que l’euro ou le dollar car elles s’échangent, permettent d’effectuer des paiements et de transférer des fonds. Elles ne sont ni créées ni gérées par une banque centrale, mais par un réseau décentralisé d’ordinateurs via des systèmes de consensus complexes.

L’envolée des cours et l’intérêt croissant pour les cryptomonnaies

Les principales crypto-monnaies que sont le Bitcoin, l’Ethereum, le Ripple ou encore le Litecoin cumulent à elles seules une capitalisation de marché s’élevant à plus de 130 milliards USD. Et nous ne mentionnons pas les quelque 1.000 autres monnaies virtuelles actuellement existantes qui, pour une bonne partie d’entre elles, enregistrent des capitalisations de marché bien supérieures à 100 millions USD.

A sa création, le Bitcoin par exemple ne valait que quelques centimes alors qu’il s’échange aujourd’hui à presque 6.000 USD avec des perspectives haussières et un cours estimé à 10.000 USD par Bitcoin courant 2018. Cette envolée des cours peut s’expliquer par divers facteurs. Tout d’abord, les volumes de transactions sur les bourses d’échanges ont littéralement explosé au cours des derniers mois avec aujourd’hui des volumes de transactions journaliers de plusieurs milliards de dollars, ce qui était loin d’être le cas il y a encore deux ans. Cette augmentation des volumes de transactions est corrélée à l’intérêt croissant du public, individus ou institutionnels, ainsi qu’aux perspectives de rendements moyens bien supérieurs à ceux que peuvent offrir les marchés d’actions ou d’obligations. Imaginez que le cours du Bitcoin ou du Ripple ait été multiplié par 5, voire par 10, depuis janvier 2017, permettant à certains détenteurs de réaliser d’importantes plus-values qu’il aurait été impossible de réaliser via des instruments financiers classiques.

Regardons aussi simplement l’intérêt grandissant des institutions financières et des investisseurs institutionnels évoquant de plus en plus ouvertement la création de fonds crypto-monnaies dans un avenir proche, afin de proposer à leur clientèle des investissements en Bitcoin ou encore en Ether.

De plus, des initiatives de tokenization de commodités offrant une solution d’investissement et d’échange d’or via une blockchain (The New Digital Gold Standard) ne peut que participer à la forte augmentation des échanges et à la démocratisation des monnaies virtuelles.

D’autres facteurs plus périodiques tels que les problèmes économiques et crises financières dans des pays aux économies fragiles ont pu également favoriser une forte croissance des échanges et une envolée temporaire des cours. Le défaut de paiement de Porto Rico du mois de mai dernier ou la crise financière à laquelle Chypre a dû faire face en 2012-2013 en sont de bons exemples. Le Bitcoin ayant été utilisé comme un moyen de contourner les restrictions de mouvements de capitaux a ainsi permis à des individus de transférer une partie de leurs économies à des membres de leurs familles vivant à l’étranger.

Le phénomène des ICO (Initial Coin Offering)

Tout d’abord, il est, semble-t-il, nécessaire d’introduire ce nouveau concept d’ICO très en vogue au sein de la communauté et du monde des monnaies virtuelles. En effet, une ICO est une méthode de levée de fonds nouvelle génération fonctionnant grâce à l’émission d’actifs numériques (tokens) échangeables contre des crypto-monnaies durant la phase de démarrage d’un projet. Cet acronyme a été emprunté aux IPO (Initial Public Offering) et apparaît comme un moyen simple, rapide et efficace de lever des fonds sans passer par la nécessité de préparer une documentation lourde pour attirer des investisseurs potentiels.

Les ICO ont permis à des start-up du secteur de lever en cumulé plus de 3 milliards USD sur 2017 avec des records atteints par Filecoin et Tezos ayant levé près de 250 millions USD chacune.

Quels peuvent être les risques liés aux crypto-monnaies ?

Certes, les crypto-monnaies ont connu de fortes fluctuations et ont permis à certains de réaliser d’importantes plusvalues. Cependant, l’accès au monde des crypto-monnaies n’est pas sans risques. Effectivement, la forte augmentation des cours depuis le début de l’année ainsi que les perspectives haussières des prochains mois entraînera très probablement à terme une forte correction des cours et des pertes importantes pour certains acteurs du marché ; l’absence de régulation ne contribuant pas à éviter cette grande volatilité.

Par conséquent, tout nouvel investisseur et plus particulièrement individu se doit d’avoir à l’esprit que l’investissement initial peut potentiellement être perdu en totalité en cas de mauvais choix ou de mauvaise compréhension du marché. De plus, la sécurisation et la conversation de ses clés privées sont également essentielles. Il est déjà arrivé à certains individus de perdre ces mêmes clés et, par la même occasion, tous leurs investissements.

Ces principes s’appliquent également aux phénomènes des ICO au vu de l’absence de cadre légal les réglementant et des récents troubles auxquels doit faire face par exemple la fondation Tezos quant à sa gouvernance.

Quel avenir pour les crypto-monnaies?

Pour le moment, les monnaies virtuelles ne remplissent pas totalement l’objectif initial. Effectivement, les crypto-monnaies sont bien plus échangées pour des motifs de spéculation qu’utilisées pour des transferts de fonds sécurisés ou encore pour le règlement de transactions de paiement dû en partie à leur faible adoption par les sites d' e-commerce, par exemple. Néanmoins, les crypto-monnaies et plus particulièrement la technologie sous-jacente de la blockchain de par leur caractère novateur ouvrent la voie vers le développement de nouveaux moyens de paiement et de transfert de fonds plus sécurisés et plus rapides, comme en témoigne l’adoption du protocole développé par Ripple par plus de 70 banques dans le monde.

On espère également que de nouveaux projets tel que Metronome présenté par Jeff Garzik lors du Money 20/20 à Las Vegas et permettant la comptabilité d’une monnaie virtuelle avec toutes les blockchains permettront d’accroître leur acceptation.

Les crypto-monnaies en sont encore à leurs balbutiements et connaîtront probablement une crise de croissance dans un futur proche. Malgré tout, elles deviendront sans aucun doute incontournables dans les années à venir. Il faut donc s’y habituer !

Romain Swertvaeger, Senior Manager, EY Luxembourg
Romain Swertvaeger, Senior Manager, EY Luxembourg