Manque de main d’oeuvre, transitions numérique et verte, guerre en Ukraine, crise énergétique… Comment l'UE aide-t-elle les entreprises à faire face aux défis ? Anne Calteux, Représentante de la Commission européenne au Luxembourg, répond à nos questions.

Anne Calteux, Représentante de la Commission européenne au Luxembourg. Photo-Ann Sophie Lindström
Anne Calteux, Représentante de la Commission européenne au Luxembourg. Photo-Ann Sophie Lindström

2023 a été déclarée l’Année européenne des compétences. Qu’est-ce que cela implique pour les États membres, les entreprises, les citoyens ?

En déclarant l’année 2023 Année européenne des compétences, la Commission européenne veut donner un nouvel élan à ce sujet stratégique et sensibiliser tous les acteurs par rapport à l’importance d’un engagement à tous les niveaux en faveur de la formation et des compétences sans lesquelles nous peinerons à réussir les transitions verte et numérique. Elle permettra aussi aux autorités publiques, employeurs et surtout aux PME d’avoir une meilleure vue d’ensemble des fonds européens disponibles pour investir dans les compétences : le Fonds Social Européen (FSE+), la Facilité pour la Reprise et la Résilience (FRR), le programme pour une Europe numérique, Horizon Europe, et Erasmus +…, la liste est longue. Rien que sous le FSE+, 99,3 milliards EUR sont disponibles à titre d’investissements dans des emplois, actions sociales, formations et compétences. L’Année européenne contribue aussi à la réalisation des objectifs du Socle européen des droits sociaux d’ici 2030, à savoir : 60 % des adultes en Europe en formation chaque année, 80 % d’adultes possédant des compétences numériques de base et 20 millions de spécialistes TIC dans l’UE.

Au cours des dernières années, de nombreuses initiatives ont été adoptées au Luxembourg pour promouvoir la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, relever les défis de la numérisation et renforcer l’anticipation des besoins en compétences. Toutefois, certains publics sont davantage exposés au chômage et à l’inactivité : les jeunes, les personnes issues de l’immigration ou peu qualifiées, les plus de 45 ans… Il est donc urgent d’investir dans le développement des compétences afin de préserver notre compétitivité, mais surtout dans le but de donner de bonnes perspectives professionnelles à tous les Européens.

« Si nous voulons qu’en 2030, 80 % d’adultes possèdent des compétences numériques de base avec 20 millions de spécialistes TIC sur notre marché de travail, nous devons changer d’approche : les formations, ce n’est pas seulement un coût, mais aussi un investissement incontournable et bénéfique. Il est essentiel de poursuivre les efforts, notamment pour intégrer davantage les technologies numériques dans les entreprises. »

En avril, le commissaire Nicolas Schmit était au Luxembourg pour présenter les initiatives du Luxembourg en relation avec la formation professionnelle dans le cadre du plan de relance NextGenerationEU. Les compétences numériques joueront, et jouent déjà aujourd’hui un rôle majeur sur le marché du travail...

Dès son entrée en fonction, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen a érigé la digitalisation en priorité politique en définissant les objectifs pour la « décennie numérique » de l’Europe d’ici 2030. Si nous voulons qu’en 2030, 80 % d’adultes possèdent des compétences numériques de base avec 20 millions de spécialistes TIC sur notre marché de travail, nous devons changer d’approche : les formations, ce n’est pas seulement un coût, mais aussi un investissement incontournable et bénéfique : il est essentiel de poursuivre les efforts, notamment pour intégrer davantage les technologies numériques dans les entreprises.

Le Luxembourg l’a compris, et pas seulement depuis hier, comme en témoigne la stratégie Digital Luxembourg, fondée en 2014, ou encore Future Skills et le Skills- Dësch. Plus récemment, en date du 5 juin 2023, nous avons assisté à l’inauguration de la plateforme digitalskills.lu, continuation d'une initiative portée par la Commission européenne, qui permet aux entreprises de participer aux nombreuses initiatives européennes et nationales en matière de formation et de compétences numériques. Le Luxembourg s’est aussi démarqué au niveau européen par son plan national de relance dans le cadre du programme de financement NextGenerationEU en attribuant pas moins de 32 % – au lieu des 20 % recommandés par la Commission – de l’enveloppe totale aux projets dans le numérique. C’est le taux le plus élevé parmi les 27 États membres. Cet objectif ambitieux est nécessaire, si l’on sait que dans son étude récente, l’OCDE souligne que le Luxembourg pourrait davantage encourager l’adoption des technologies numériques.

Un autre pilier de NextGenerationEU est l’action en faveur du climat. Avec REPowerEU, des fonds sont mis à disposition des États membres pour accélérer encore la transition énergétique. Est-ce que les efforts de l’UE pour la transition énergétique suffisent pour lutter contre le réchauffement du climat et devenir indépendant de la Russie en termes d’énergie ?

Un peu plus d’un an après le lancement de REPowerEU, le bilan est positif. Grâce à la détermination de l’Union et des 27 États membres, les objectifs qu’on s’était fixés ont même pu être dépassés ! Ainsi, les différentes initiatives de la Commission ont contribué à garantir l’approvisionnement en gaz en réduisant la demande de gaz et d’électricité pendant les heures de pointe, à réorienter les bénéfices excédentaires des producteurs d’énergie vers les consommateurs et l’industrie, à éviter des hausses de prix excessives et à renforcer la solidarité entre les États membres. L’UE a réduit sa demande de gaz de 18 % entre août 2022 et mars 2023, et la plupart des États membres ont atteint l’objectif de 15 %. Début 2021, l’UE a importé 90 % de sa consommation de gaz, la Russie fournissant plus de 40 % de la demande totale de gaz par gazoduc de l’UE. En mars 2023, les importations de gaz russe dans l’UE ont été réduites de trois quarts par rapport à mars 2021.

Par ailleurs, grâce à la nouvelle plateforme énergétique, les entreprises seront désormais en mesure de négocier les conditions des contrats de fourniture directement avec les fournisseurs. Quatre autres appels d’offres suivront d’ici la fin de l’année 2023. La Commission a également réussi à renforcer ses relations avec de nouveaux partenaires internationaux pour diversifier les sources d'approvisionnement, notamment en ce qui concerne l’énergie renouvelable. Finalement, une nouvelle étape importante a été franchie le 25 juillet 2023 avec l’adoption des nouveaux objectifs en matière d’efficacité énergétique. Dorénavant, l’Europe sera tenue à réduire sa consommation d’énergie de 11,7 % d’ici à 2030 par rapport à 2020 et les pays de l’UE devront donner la priorité à l’efficacité énergétique dans l’élaboration des politiques.

Tous ces efforts permettront à l’UE non seulement d’accélérer la transition vers une énergie propre, mais aussi de lutter contre le changement climatique et, en même temps, de renforcer son autonomie stratégique. Ce qui est clair, c’est qu’il s’agit d’un effort de longue haleine.

« La Commission a déjà pris de multiples mesures pour soutenir les PME tout au long des crises récentes : sous la Facilité pour la Reprise et la Résilience (FRR), 44 milliards EUR sont prévus pour soutenir les PME ; REPowerEU aide les PME à faire face aux coûts élevés de l’énergie et le volet PME d’InvestEU les oriente vers l’accès à des prêts/fonds propres. Il est évident que nous devons encore faire davantage, notamment en simplifiant la réglementation et en soutenant la résilience des PME. »

Est-ce que les PME peuvent s’attendre à de nouvelles initiatives spécifiquement axées sur leurs besoins avant la fin du mandat de la Commission ?

La Commission a déjà pris de multiples mesures pour soutenir les PME tout au long des crises récentes : sous la Facilité pour la Reprise et la Résilience (FRR), 44 milliards EUR sont prévus pour soutenir les PME ; REPowerEU aide les PME à faire face aux coûts élevés de l’énergie et le volet PME d’InvestEU les oriente vers l’accès à des prêts/fonds propres. Il est évident que nous devons encore faire davantage, notamment en simplifiant la réglementation et en soutenant la résilience des PME. Actuellement, nous travaillons sur la révision de la directive sur les retards de paiement. C’est assez urgent, car le délai moyen de paiement d’une PME est passé de 35 jours en 2019 à plus de 50 jours au cours des années 2020-2022. En parallèle, la Commission est en train d’élaborer un paquet de mesures plus large en faveur des PME, le SME Relief Package, qui sera présenté prochainement.

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