Prix de l’immobilier, développement d’une offre locative plus large, accès au logement, nouveaux modes d’habitat… Sam Tanson, ministre du Logement, évoque les défis du gouvernement en la matière.

Qu’est-ce qui vous a amenée à accepter cette fonction de ministre du Logement au sein de ce nouveau gouvernement ?

Le logement est certainement un des grands défis que devra relever le nouvel exécutif luxembourgeois. Ces dernières années, nous avons connu une forte hausse des prix du logement. Il est essentiel de pouvoir l’endiguer. Un des enjeux sera de permettre à chacun, au Luxembourg, de trouver où se loger pour un prix abordable. Il nous faut développer, à côté du logement social, une offre de logement à coût modéré, que ce soit à l’achat ou à la location. Cela passera notamment par une augmentation de l’offre publique des biens à acquérir ou à louer. Je pense qu’il y a d’importants efforts à réaliser en faveur du développement de l’offre locative, qui est encore faible.

Pourquoi mettre l’accent sur l’offre de biens locatifs aujourd’hui ?

Le marché de l’immobilier au Luxembourg a d’abord été celui de propriétaires. Au cours des dernières années, l’objectif pour beaucoup était d’acquérir son propre bien pour y demeurer. Cependant, on constate que la société change et que de nouveaux besoins s’expriment au regard de la hausse des prix, mais aussi de modes de vie bien différents. De plus en plus de personnes rejoignent le Grand-Duché pour une période de temps plus ou moins brève. Ce ne sont pas forcément des candidats à l’acquisition. Et il est essentiel de pouvoir offrir des logements à coût modéré pour répondre à leurs besoins du moment.

Sam Tanson, ministre du Logement. Photo-SIP/Yves Kortum
Sam Tanson, ministre du Logement. Photo-SIP/Yves Kortum
 

Les prix du logement, ces dernières années, ont connu une croissance de 7 %, selon certains analystes. Peut-on stopper cette croissance ?

L’enjeu n’est pas de stopper la croissance des prix, mais il est important de prendre des mesures pour qu’ils n’augmentent plus au rythme que l’on a connu ces dernières années. Il faut d’abord pouvoir mieux mobiliser les terrains. La hausse des prix du logement est une conséquence de la dynamique économique positive que connaît le Luxembourg, accompagnée d’une croissance démographique. Le marché immobilier réagit simplement selon le principe bien connu de l’offre et de la demande. Il y a une offre présente, avec beaucoup d’efforts entrepris pour la développer, mais la demande est beaucoup plus forte.

Quels sont les moyens à mettre en oeuvre pour endiguer cette hausse galopante des prix de l’immobilier ?

Le premier enjeu est de construire plus, plus rapidement. Pour cela, il faut parvenir à libérer des terrains. Il y a actuellement environ 2.800 hectares disponibles dans le périmètre constructible et qui pourraient être dédiés au logement. Il faut donc faciliter le développement de projets immobiliers sur ces terrains, faire en sorte que des projets immobiliers voient effectivement le jour dans ces espaces.

Il faut donc convaincre les propriétaires qui, aujourd’hui, ont plus intérêt à regarder grimper la valeur de leur terrain qu’à les céder ou à construire dessus…

La mobilisation du terrain peut passer par des mesures fiscales afin de rendre l’opportunité de développer un projet plus attractive que de ne rien faire. Un important travail doit aussi être mené en concertation avec les communes dans ce contexte. La volonté du ministère du Logement est de parvenir à mieux collaborer avec elles autour de ces enjeux. Cela passera par une révision du Pacte logement. Jusqu’à présent, à travers lui, le gouvernement accorde des aides aux communes en fonction de l’augmentation de la population. L’idée est de lier davantage ces aides à la création d’une offre en logements abordables ou sociaux qu’à l’augmentation de la population. Mais en réalité, ce sont toutes les aides au logement, individuelles ou collectives, que nous souhaitons remettre à plat. Les dépenses liées aux aides au logement sont actuellement en diminution. Ce qui nous fait dire que le système n’est plus adapté. On vit en effet une situation paradoxale. D’un côté, les personnes ont de plus en plus de mal à se loger, de l’autre, les aides au logement sont de moins en moins sollicitées.

Aujourd’hui, le foncier pèse lourd dans le prix du logement. Comment atténuer son poids ?

Oui, le foncier est extrêmement cher. Et son prix est dès lors répercuté dans le prix du logement. Au-delà de la nécessité de mobiliser des terrains pour des projets, ce qui devrait rééquilibrer l’offre et la demande, il faut activer tout ce qui est possible pour rendre le logement plus abordable. La mise à disposition de terrains publics, selon la formule du bail emphytéotique, par exemple, permet le développement de projets plus accessibles.

Dans quelle mesure devrez-vous travailler en bonne concertation avec le ministère de l’Aménagement du territoire ?

Il faut que ce soit le cas non seulement avec le ministère de l’Aménagement du territoire mais aussi avec de nombreux autres collègues du gouvernement. La problématique a de multiples dimensions. Le logement est au coeur de nombreuses préoccupations : sociales, économiques, financières, environnementales. Cela touche à l’égalité des chances, à la politique intérieure. Avec l’Aménagement du territoire, pour répondre à votre question, la préoccupation est de permettre de mieux coordonner la création de logements et le développement d’infrastructures pour améliorer le vivre ensemble à l’échelle du territoire. Il ne s’agit plus aujourd’hui de construire dans des zones non desservies par le transport en commun, par exemple.

Mais, de votre point de vue, comment doivent être pensées les zones d’habitat en matière d’aménagement du territoire ?

Je ne souhaite pas m’exprimer autour de compétences qui ne sont pas les miennes. Toutefois, du point de vue du gouvernement, il y a la volonté de travailler en priorité sur certaines zones déterminées. L’idée n’est pas de créer du logement n’importe où, mais de l'inscrire au coeur d’un plan stratégique contribuant à un développement cohérent du territoire, en tenant compte des infrastructures, des axes de communication existants. Malgré les besoins en développement, l’un des enjeux est aussi de pouvoir maintenir des zones vertes, d’éviter de trop découper le paysage.

On parle beaucoup de nouvelles formes d’habitat, comme le coliving. Quel regard portez-vous sur ces tendances ?

La colocation s’inscrit dans le concept d’économie partagée. Beaucoup de jeunes, aujourd’hui, privilégient ce mode d’habitation. Cela leur permet de se loger et de participer à une vie en communauté. Cela répond aussi à un enjeu financier auprès de ce public. Le cadre légal doit aujourd’hui être adapté pour ce type d’habitat. Des régulations émises par les autorités locales, à travers les PAG, font que de nombreuses communes n’acceptent pas d’inscrire dans le registre de leur population un deuxième ménage à une adresse, notamment au niveau des maisons unifamiliales. Il est donc nécessaire de mieux cadrer la notion de colocation et de la rendre possible également dans le cas de maisons unifamiliales.

Le secteur public envisage par ailleurs le développement de projets immobiliers incluant une telle formule. Il est aussi envisagé de faire évoluer le cadre légal pour faciliter le développement de projet d’habitat groupé, autrement appelé coopérative d’habitation.

L’impact du logement sur l’environnement est aussi important. Quels sont les défis en la matière ?

Du point de vue du ministère du Logement, il y a évidemment un intérêt à mieux isoler le parc immobilier existant pour réduire son empreinte énergétique. C’est aussi un enjeu social, avec la volonté de réduire la dépense énergétique des propriétaires et des locataires. Des mesures peuvent être envisagées en la matière, en bonne concertation avec le ministère de l’Environnement, dans le contexte de la remise à plat des aides individuelles au logement. Je pense qu’il est important d’avoir une vue d’ensemble sur toutes les mesures d’aide qui touchent au logement, en considérant les éléments susceptibles de se recouper afin de mettre en place des politiques cohérentes.


Propos reccueillis par Sébastien Lambotte