A partir du 1er janvier 2018, entreront en vigueur les nouvelles règles applicables aux couples frontaliers en matière de classes d’impôt.

Avant même leur entrée en vigueur, ces règles découlant de la réforme fiscale votée en décembre 2016(1) vont déjà faire l’objet d’amendements. Suite aux revendications syndicales, le gouvernement a en effet annoncé fin juillet sa décision d’apporter certains aménagements au texte initialement voté. Un projet de loi va donc être déposé en ce sens(2).

Dans un certain nombre de cas, les nouvelles règles vont entraîner une augmentation de la charge fiscale des frontaliers mariés – ou pacsés – comparativement à la situation actuelle, particulièrement pour les couples dont l’un travaille au Luxembourg et l’autre dans le pays de résidence. Cela va également affecter les salariés qui travaillent partiellement en dehors du Luxembourg (télétravail, business trips à l’étranger, etc.) et qui sont dès lors imposables sur une partie de leur rémunération dans leur pays de résidence.

Situation actuelle

Pendant de très nombreuses années jusqu’à l’année 2017 incluse, les contribuables nonrésidents mariés ont été rangés en classe d’impôt 2 à la seule condition que plus de 50 % des revenus professionnels de leur ménage étaient imposables au Luxembourg. A défaut, ils étaient imposables en classe d’impôt 1a.

Les frontaliers ont ainsi longtemps bénéficié de la classe 2 sans avoir à déposer une déclaration d’impôt au Luxembourg et donc, sans imposition collective, c’està- dire sans qu’il y ait cumul des revenus luxembourgeois avec les revenus de leur conjoint travaillant dans le pays de résidence ou avec d’autres revenus non professionnels du ménage (comme des revenus locatifs par exemple).

Le gouvernement a souhaité mettre un terme à cette situation jugée inéquitable par rapport à celle des couples résidents mariés qui sont tenus de déposer une déclaration fiscale conjointe et qui subissent dès lors une imposition collective tenant compte de l’ensemble des revenus de leur ménage.

Changements à partir de 2018

A partir de l’année d’imposition 2018, les contribuables non-résidents mariés vont être rangés par défaut en classe d’impôt 1. Ce n’est que sur demande expresse et sous réserve de remplir les conditions prévues pour l’assimilation fiscale(3) qu’ils pourront demander à être imposés collectivement conformément au tarif de la classe d'impôt 2.

L’objectif est donc d’aligner le traitement fiscal des contribuables résidents et des non-résidents.

Régime de l’assimilation fiscale

Le régime de l’assimilation fiscale a été introduit dans le Code fiscal luxembourgeois, à partir de l’année d’imposition 1998, en vue de garantir un traitement fiscal équivalent entre les contribuables non-résidents et résidents lorsque ces derniers réalisent l’essentiel de leurs revenus au Luxembourg.

Ce régime comporte une condition préalable et une conséquence qu’il ne faut pas confondre.

Condition préalable de l’assimilation fiscale

Les contribuables non-résidents mariés peuvent opter pour être traités comme des résidents luxembourgeois à condition qu'au moins 90 % des revenus mondiaux d’un des deux conjoints soient imposables au Luxembourg. Pour vérifier si ce seuil est atteint, il convient de prendre en compte tous les revenus du conjoint concerné (tant professionnels que non professionnels), qu’ils soient imposables au Luxembourg ou à l’étranger.

Prenons l’exemple d’un couple de résidents français dont l’un des conjoints est salarié au Luxembourg et l’autre travaille en France. Le conjoint qui travaille au Luxembourg pourra demander à être assimilé à un résident luxembourgeois s’il atteint le seuil de 90 % de revenus imposables à Luxembourg dans son propre chef(4). Pour la vérification de cette condition, les revenus de son conjoint ne sont donc pas pris en compte. Cela signifie que si les époux ont des revenus communs en France (par exemple, des revenus locatifs), seuls 50 % de ces revenus compteront pour vérifier s’il atteint les 90 % de revenus imposables au Luxembourg.

A partir de 2018, si ce seuil des 90 % n’est pas atteint, les résidents français et allemands ne seront donc pas éligibles au régime de l’assimilation et seront imposés en classe d’impôt 1.

En revanche, les résidents belges pourront se prévaloir d’une clause particulière de la convention préventive de double imposition conclue entre la Belgique et le Grand- Duché de Luxembourg(5). Etant donné les relations historiquement très étroites entre les deux pays, il a en effet été négocié de très longue date que les résidents belges, imposables au Luxembourg à concurrence de plus de 50 % des revenus professionnels de leur ménage, peuvent également demander à être assimilés aux résidents luxembourgeois.

Il y a quand même une bonne nouvelle pour les contribuables qui n’atteindraient pas le seuil des 90 % de revenus imposables au Luxembourg (50 % pour les résidents belges). Suite aux revendications syndicales, le gouvernement a en effet accepté, en juillet dernier, d’assouplir la règle en introduisant un second seuil d’assimilation fiscale. A condition que les revenus perçus à l’étranger ne dépassent 13.000 EUR net par an (après déduction des frais d’obtention et de déplacement s’il s’agit de salaires imposables dans leur pays de résidence, par exemple), ces contribuables pourront tout de même accéder au tarif de la classe 2.

Conséquence de l’assimilation fiscale

L’assimilation fiscale implique que l’ensemble des revenus du ménage soient pris en compte pour déterminer le taux global d’imposition qui s’appliquera ensuite à la rémunération du conjoint qui travaille au Luxembourg. Dans notre exemple, le salaire du conjoint travaillant en France fera donc augmenter le taux d’imposition applicable au salaire luxembourgeois.

Dans le cadre de l’assimilation fiscale, les revenus étrangers du ménage ne sont donc pas imposés au Luxembourg mais uniquement pris en compte pour déterminer le taux d’imposition qui sera appliqué aux seuls revenus de source luxembourgeoise.

Courrier envoyé par l’Administration fiscale à partir de septembre

A partir du mois de septembre, l’Administration des contributions va adresser un courrier aux contribuables concernés afin de leur expliquer les nouvelles règles applicables et de connaître leur choix.

Les contribuables devront en effet faire un choix entre une imposition collective (imposition sur base du tarif de la classe 2) ou individuelle (imposition en classe 1) pour l’année fiscale 2018.

Pour prétendre à l’imposition collective (en classe 2), ils devront cependant remplir les conditions du régime de l’assimilation fiscale (exposées ci-dessus) et devront communiquer à l’administration fiscale le montant estimé du revenu de leur ménage pour 2018. Sur cette base, l’administration fiscale calculera le taux global qui sera inscrit sur la carte d’impôt qui sera émise en début d’année prochaine.

Sans réaction de leur part, ils seront automatiquement rangés en classe d’impôt 1.

Dans le cadre de la loi votée en décembre 2016, il est prévu que les contribuables doivent impérativement choisir leur mode d’imposition avant le 31 décembre de l’année d’imposition concernée (avant le 31 décembre 2017 pour ce qui concerne l’année d’imposition 2018) et que ce choix est irrévocable pour l’année d’imposition concernée. En juillet dernier, le gouvernement a annoncé un assouplissement des règles prévues initialement. Ainsi, les contribuables devraient donc pouvoir modifier leur choix à n’importe quel moment au cours de l’année 2018 et encore jusqu’au 31 mars 2019 (délai légal pour le dépôt des déclarations fiscales) s’ils constatent que leur choix ne leur est pas ou plus favorable. Il en ira de même pour les années suivantes.

Déclaration fiscale obligatoire

Pour les frontaliers mariés, ou partenaires, qui voudront bénéficier du régime de l’assimilation fiscale, une déclaration d’impôt devra obligatoirement être déposée, dans laquelle il faudra inclure l’ensemble des revenus du ménage. Si le conjoint travaille dans son pays de résidence, ses revenus devront donc être reportés dans la déclaration fiscale luxembourgeoise. Il en ira de même des revenus généralement quelconques du ménage, comme par exemple les revenus locatifs.

En général, la prise en compte des revenus étrangers du ménage contribuera à augmenter la charge fiscale au Luxembourg. En revanche, si le revenu étranger est négatif (par exemple, une perte locative ou encore une perte réalisée dans le cadre de l’exercice d’une activité indépendante), la charge d’impôt au Luxembourg s’en trouvera diminuée.

Les revenus étrangers devront être justifiés par des documents probants. L’administration n’a cependant pas encore émis de circulaire pour préciser le type de documents qui seront requis. A tout le moins, il devrait s’agir du bulletin d’imposition émis par l’administration fiscale du pays de résidence pour l’année concernée. Se poseront une série de questions pratiques si le bulletin n’est pas encore émis au moment où la déclaration fiscale doit être déposée au Luxembourg.

Dans le cadre de cette déclaration fiscale, les contribuables non-résidents assimilés pourront bénéficier des mêmes déductions et crédits d’impôt qu'un résident luxembourgeois (intérêts débiteurs, primes et cotisations d’assurances, libéralités, abattement pour charges extraordinaires, etc.).

Dans la mesure où les aménagements annoncés par le gouvernement vont faire l’objet d’un projet de loi, il conviendra de suivre l’évolution de celui-ci.

Janique Bultot, IF Group
Janique Bultot, IF Group

(1) Loi du 23 décembre 2016 portant mise en oeuvre de la réforme fiscale 2017, publiée au Mémorial le 27 décembre 2016.

(2) Pas encore déposé au moment de la remise de cet article à la rédaction d’entreprises magazine.

(3) Article 157ter L.I.R.

(4) S’il a des revenus imposables à l’étranger, il risque donc de passer en deçà du seuil des 90 % de revenus imposables au Luxembourg.

(5) Article 24§4a de la convention préventive de double imposition conclue entre le Luxembourg et la Belgique.