Afin de diversifier son économie, le Luxembourg, dans le cadre de la start-up nation, a attiré nombre d’acteurs de secteurs pointus (ICT, technologies de la santé, industrie 4.0, logistique, espace…). Arrivées à maturité, ces start-up peinent aujourd’hui à trouver des financements. Et si les entreprises familiales leur accordaient davantage de soutien ? C’est une des pistes que privilégie Brice Lecoustey, Partner en charge du programme EYnovation chez EY Luxembourg. Explications.

Vous tenez à sensibiliser les entreprises familiales à l’opportunité que peuvent représenter les activités des start-up. Pour quelles raisons ?

Grâce à sa stratégie nationale, ses aides ciblées et aux nombreux concours qui se sont mis en place, le Luxembourg a attiré de belles start-up aux idées et projets innovants. On sait donc que le terreau luxembourgeois est fertile. Mais une fois passée la phase en incubateur, ces start-up ne trouvent pas la totalité des capitaux dont elles ont besoin pour se développer. En général, il s’agit d’un ou deux millions EUR, ce qui est trop peu pour les capital-risqueurs et trop important pour les banques, et qu’elles sont obligées d’aller chercher à l’étranger. D’un autre côté, il y a au Luxembourg des entreprises et des familles d’entrepreneurs qui ont monté des affaires commerciales et/ou industrielles il y a 40-50 ans, qui ont bien réussi et qui disposent de capital. Que ces dernières continuent de tirer parti des ressorts qu’offre la nouvelle économie tout en diversifiant leurs investissements, est une des solutions à privilégier et à soutenir plus largement.

Brice Lecoustey, Partner en charge du programme EYnovation, EY Luxembourg.
Brice Lecoustey, Partner en charge du programme EYnovation, EY Luxembourg.

Que pourraient-elles en retirer concrètement ?

La majorité des dirigeants d’entreprises familiales considèrent l’innovation comme un enjeu important pour la pérennité de leur entreprise, mais le manque de temps propre à la gestion quotidienne de ces entreprises constitue l’un des principaux freins. Parallèlement, à quelques kilomètres de distance, des start-up initient et développent des projets qui pourraient rencontrer les besoins de ces entreprises traditionnelles. Je pense qu’il faut accentuer le lien pour aider les entreprises de la 1ère vague à retrouver un second souffle, à permettre à la génération qui va poursuivre les activités de travailler avec des processus et/ou des outils innovants, d’étendre leur rayonnement à l’étranger, de conclure des partenariats commerciaux inédits, d’ouvrir des filiales… Aujourd’hui, certaines start-up ont vraiment des projets très prometteurs. Les entreprises luxembourgeoises établies depuis des décennies peuvent donc continuer à mettre à profit leurs connaissances de l’entrepreneuriat et de la prise de risques pour permettre à ces nouvelles structures d’aller de l’avant. En unissant financement local et projets novateurs, les deux écosystèmes sont gagnants. Une mutualisation des savoirs et des ressources ne peut être que bénéfique.

A votre avis, pour quelles raisons les entreprises familiales ne sont-elles pas plus actives dans la nouvelle économie ?

Je pense qu’elles manquent d’informations quant aux opportunités. Jusqu’à présent, la pierre était souvent l’un des moyens de faire fructifier le patrimoine entrepreneurial. Au vu de la rareté actuelle des biens sur le marché immobilier luxembourgeois, ce type de placements est amené à décroître. De plus, le gouvernement a annoncé mi-octobre vouloir taxer à hauteur de 20 % les revenus directs et indirects de l’immobilier, dès l’an prochain. Cela va peut-être faire bouger les choses et accentuer le placement de capitaux dans d’autres domaines économiques et entrepreneuriaux. J’encourage donc vivement les familles d’entrepreneurs à se rapprocher encore plus des start-up, à lire des business plans innovants et à envisager de les financer pour travailler main dans la main. Dans le contexte actuel, l’innovation a plus que jamais besoin d’un financement local renforcé. Tant pour les entrepreneurs aguerris que pour les porteurs de projets.

Propos recueillis par Isabelle Couset