Les élections sociales destinées à désigner les représentants du personnel dans les entreprises ont lieu, au Luxembourg, tous les 5 ans. Ces élections vont devenir une préoccupation au cours du premier trimestre 2019 alors que la date du nouveau scrutin a été fixée au 12 mars prochain.

Ces élections vont, en outre, être les premières de leur genre, puisqu’elles seront organisées conformément aux nouvelles dispositions issues de la loi du 23 juillet 2015 « portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises ». Cette loi supprime les comités mixtes d’entreprise à compter des nouvelles élections et confie les attributions réservées à ces derniers aux délégations du personnel en place dans les sociétés d’au moins 150 salariés. Cette réforme va donc simplifier la représentation du personnel grâce à une concentration des pouvoirs entre les mains d’une seule institution par entreprise.

Les employeurs concernés de la place luxembourgeoise vont par conséquent devoir penser dès à présent aux préparatifs des élections, dont les modalités sont fixées par le règlement grand-ducal du 11 septembre 2018 « concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel ».

Mais qui sont, justement, ces employeurs ? Comment déterminer si un employeur a l’obligation d’organiser des élections des représentants du personnel ? Le cas échéant, quels sont les salariés qui pourront être électeurs, voire éligibles ? Autant de questions que les employeurs peuvent se poser.

Quelles sont les entreprises qui doivent organiser des élections des représentants du personnel ?

Toute entreprise, quels que soient la nature de ses activités, sa forme juridique et son secteur d’activité doit organiser des élections sociales si, durant « les 12 mois qui précèdent le premier jour du mois de l’affichage annonçant les élections », elle employé « au moins 15 salariés liés par contrat de travail », et ce conformément à l’article L.411-1 (1) du Code du travail.

Dans la mesure où, conformément au règlement grand-ducal du 11 septembre 2018, les entreprises doivent procéder à l’affichage annonçant les élections au moins un mois avant la date du scrutin, donc au plus tard le 11 février 2019, les « 12 mois qui précèdent le premier jour du mois de l’affichage » sont les 12 mois qui précèdent le 1er février 2019.

En d’autres termes, les entreprises qui sont tenues d’organiser des élections sociales sont celles qui auront employé au moins 15 salariés sous contrat de travail entre le 1er février 2018 et le 31 janvier 2019.

Comment décompter l’effectif de l’entreprise pour déterminer si le seuil des 15 salariés a été franchi ?

Pour déterminer si une entreprise a employé au moins 15 salariés de manière continue entre le 1er février 2018 et le 31 janvier 2019, il convient de décompter son effectif sur cette période. Tous les salariés sont concernés, à l’exclusion des apprentis.

Pour le calcul de l’effectif, les salariés travaillant à temps plein comptent intégralement.

En ce qui concerne les salariés à temps partiel, lorsque leur durée de travail est supérieure ou égale à 16 heures par semaine, ils sont pris en compte intégralement pour le calcul de l’effectif.

En revanche, les salariés dont la durée du travail est inférieure à 16 heures par semaine ne sont pris en considération que partiellement, selon la formule de calcul suivante :

Quant aux salariés travaillant sous contrat à durée déterminée ou qui ont été mis à disposition de l’entreprise, ceuxci sont pris en compte au prorata de leur temps de présence dans l’entreprise au cours de la période de 12 mois précédant la date obligatoire d’établissement des listes électorales (qui est fixée au 18 février 2019).

Les salariés remplaçant un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu ne sont toutefois pas pris en compte pour le calcul des effectifs.

Qu’en est-il lorsque plusieurs entreprises constituent une Entité Economique et Sociale (EES) ?

Au sens du Code du travail, l’existence d’une EES est constatée lorsque plusieurs entités partagent un même pouvoir de direction, des activités identiques et complémentaires, en l’occurrence une communauté de salariés liés par des intérêts identiques, semblables ou complémentaires, avec un statut social comparable. Dans un tel cas, les entreprises concernées, bien que formant des entités juridiques distinctes, sont considérées comme formant un tout indivisible au regard du droit du travail.

En ce qui concerne les EES, la réforme du dialogue social a introduit deux nouveaux mécanismes dans le Code du travail : alors que le premier est destiné à créer une délégation du personnel à un niveau supérieur à l’entreprise, le second est destiné à garantir – sous certaines conditions – une représentation aux salariés qui sont occupés dans des entreprises de moins de 15 salariés.

Ainsi, au titre du premier mécanisme, l’article L.411-3 (1) prévoit qu’à compter des élections sociales du 12 mars prochain, lorsqu’il sera reconnu qu’une EES existe entre plusieurs entreprises, une délégation du personnel au niveau de cette EES pourra être instituée sur demande d’au moins deux des entreprises la constituant. Les demandes devront être introduites dans un délai de 3 mois suivant les élections. La délégation du personnel instituée au niveau de l’EES représentera les intérêts de l’ensemble des salariés occupés dans les diverses entreprises concernées. Elle n’aura néanmoins pour attribution que l’échange d’informations entre les différentes délégations du personnel dont elle sera issue.

Le second mécanisme, réglementé par l’article L.411-3 (3) du Code du travail, consiste en l’adaptation d’une solution préalablement consacrée par la jurisprudence Cette solution permettait aux salariés occupés dans des entreprises ou établissements de moins de 15 salariés de bénéficier d’une représentation lorsque (i) les différentes entreprises ou les différents établissements concernés formaient ensemble une EES (ou encore unité économique et sociale) et que (ii) l’EES comptait au moins 15 salariés. Plus précisément, dès lors qu’ils étaient saisis d’un litige relatif à l’obligation de l’employeur d’organiser des élections sociales, les juges vérifiaient si les conditions d’existence d’une EES étaient réunies. Dans l’affirmative, le seuil des 15 salariés devait être apprécié non pas au niveau de chaque entité prise séparément, mais au niveau de l’EES. En conséquence, si l’ensemble de l’effectif de l’EES atteignait au moins 15 salariés, le ou les employeurs étaient alors tenus d’organiser des élections sociales en vue de la mise en place d’une délégation du personnel au niveau de l’EES.

Dorénavant, le Code du travail traite expressément de cette question. Ainsi, aux termes de l’article L.411-3 (3), lorsque 3 sociétés forment une EES, qu’elles ont chacune moins de 15 salariés mais qu’elles occupent ensemble au moins 15 salariés, leurs salariés peuvent alors introduire une demande auprès de l’Inspection du Travail et des Mines (ITM) tendant à ce qu’une délégation du personnel soit établie au niveau de l’EES. La demande doit toutefois émaner de 15 salariés au moins. Le cas échéant, l’ITM fixe la date des élections, qui devront avoir lieu selon le système de la majorité relative.

Combien de délégués du personnel faut-il élire dans chaque entreprise ?

Le nombre de délégués du personnel à élire est toujours fonction de l’effectif des salariés qu’ils représentent.

Le Code du travail indique 25 tranches fixes d’effectif, la première allant de 15 à 25 salariés et la dernière allant de 5.101 à 5.500 salariés. Il est par ailleurs prévu qu’un membre supplémentaire devra être désigné par tranche entière de 500 salariés lorsque l’effectif excède 5.500 salariés.

Pour la détermination de l’effectif, les mêmes règles que celles décrites ci-avant s’appliquent, sauf qu’il n’y a plus lieu de tenir compte ici d’une période de 12 mois précédant le premier jour du mois de l’affichage des élections. L’effectif à prendre en compte sera celui de l’entreprise à la date du 1er février 2019.

Toute délégation du personnel comporte des membres suppléants en nombre égal à celui des membres titulaires.

Comment identifier les salariés pouvant voter et ceux pouvant être candidats ?

La possibilité de pouvoir être électeur (électorat actif) et la capacité à être éligible, et donc à se porter candidat (électorat passif sont soumises à des règles précises.

Ainsi, peuvent voter aux élections sociales les salariés âgés de 16 ans révolus, liés à l’entreprise par un contrat de travail ou d’apprentissage depuis 6 mois au moins au jour de l’élection. Aucune distinction de nationalité ne s’applique.

Par ailleurs, peuvent être candidats et éligibles les salariés qui sont âgés de 18 ans au moins au jour des élections, qui ont été occupés dans l’entreprise de façon ininterrompue durant les 12 mois précédant le premier jour du mois de l’affichage annonçant les élections (soit les salariés qui ont été au service de leur employeur, sans discontinuer, entre le 1er février 2018 et le 31 janvier 2019). Ces salariés doivent soit être de nationalité luxembourgeoise, soit être autorisés à travailler au Luxembourg.

Le Code du travail prévoit des règles particulières applicables aux salariés travaillant à temps partiel dans plusieurs entreprises. Ces derniers peuvent être éligibles uniquement dans l’entreprise dans laquelle ils sont occupés pour la durée du travail la plus longue, et, en cas de durées identiques, celle dans laquelle ils ont acquis l’ancienneté la plus grande.

Il y a également lieu d’ajouter que le Code du travail prive certaines catégories de salariés de leur éligibilité. Ainsi, ne peuvent pas se présenter comme candidats, ni être élus, les gérants, les directeurs et le responsable du service du personnel de l’entreprise (dès lors, selon l’ITM, qu’ils exercent un vrai pouvoir de décision sur le personnel) ainsi que les parents et alliés jusqu’au quatrième degré du chef d’entreprise.

De plus, les salariés intérimaires ou mis à disposition par une autre entreprise ne pourront jamais voter ni être élus dans l’entreprise utilisatrice. Ils conservent néanmoins la possibilité de consulter les délégués du personnel élus.

Il convient de rappeler que les candidats aux élections sociales sont protégés contre le licenciement durant les 3 mois qui suivent la présentation de leur candidature (à l’instar des délégués élus, titulaires et suppléants, qui sont protégés pendant la durée de leur mandat, et des anciens délégués, qui sont protégés durant les 6 premiers mois qui suivent l’expiration ou la cessation de leur mandat).

Des outils à disposition des employeurs

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, il est évident que l’organisation des élections sociales peut, pour les employeurs concernés, représenter une étape importante. C’est la raison pour laquelle certaines institutions luxembourgeoises mettent à la disposition des entreprises un certain nombre d’outils. Ainsi, sur son site, l’ITM a édité un planning rétroactif des étapes à respecter et fournit pour chacune d’elles le lien vers le ou les formulaires qu’il est nécessaire de remplir.

À cet égard, il convient de noter une nouveauté à l’occasion des élections de mars 2019 : l’ITM doit adresser aux entreprises concernées, au plus tard 2 mois avant la date du scrutin, une lettre recommandée contenant un code d’identification leur permettant d’utiliser la plateforme interactive sécurisée déployée par l’Etat luxembourgeois concernant les opérations électorales. Cette plateforme permettra aux entreprises d’adresser plus facilement et de manière sécurisée les différents formulaires à l’ITM.

Même si l’organisation des élections sociales représente un travail administratif non négligeable, il est dûment recommandé aux employeurs concernés de se conformer à leur obligation. En effet, conformément à l’article L.417-5 du Code du travail, toute entrave apportée intentionnellement à la constitution d’une délégation du personnel, d’une délégation au niveau de l’EES ou à la libre désignation de leurs membres est punie pénalement.

Me Cindy Arces, PwC Legal
Me Cindy Arces, PwC Legal
Me Sabrina Alvaro, PwC Legal
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