Quels sont les contrôles que peut effectuer un employeur pour recruter ? Quid des contrôles en cours de relation de travail ?

Recruter le bon candidat doté de toutes les qualités recherchées peut s’avérer parfois difficile, en particulier lorsqu’on engage une personne à responsabilité ou à laquelle une grande confiance doit être donnée. Dans un monde de plus en plus digitalisé où règne la loi du big data, il est manifeste que le volume d’informations disponibles et leur accessibilité connaissent une croissance exponentielle. Parmi ce flot de données, le CV demeure un repère immuable dans le monde du recrutement et de la gestion des ressources humaines. Sésame de l’emploi, il permet, de manière rapide et synthétique, à un candidat de présenter ses parcours scolaires, voire universitaires, ainsi que ses expériences professionnelles et ses compétences.

La vérification des informations fournies par le candidat sur le CV relève de la responsabilité de l’employeur. Dans un monde du travail de plus en plus exigeant où les employeurs sont en quête du candidat parfait et face à des pressions économiques de plus en plus difficiles, il n’est pas rare que le candidat mente délibérément sur ses diplômes et ses expériences professionnelles. Si l’embellissement ou l’approximation des données communiquées sont généralement tolérées, l’inscription d’un faux diplôme ou une expérience professionnelle fictive peut donner lieu à des poursuites judiciaires pour « faux et usage de faux » ou « exercice illégal d’activités » passibles de sanctions pénales.

Loyauté et bonne foi

A noter qu’en dehors de cas précis d’escroquerie ou d’usurpation de diplôme dans des professions réglementées (ex. médecine, pharmacie, expertise-comptable, etc.), les risques juridiques sont variables alors que la notion de mensonge en tant que telle n’existe pas dans le Code du travail et n’est pas toujours une raison suffisante suivant la jurisprudence pour justifier un licenciement. En revanche, les principes de loyauté et de bonne foi constituent des piliers du Code civil et des valeurs inhérentes dans l’exécution du contrat de travail. Ainsi, la confiance rompue entre un employeur et un salarié peut constituer un motif de licenciement, sans pour autant, à lui seul, s’avérer suffisant. L’employeur peut toutefois licencier un salarié pour dol et manquement à son obligation de loyauté. Le dol consiste à recourir à des manoeuvres mensongères destinées à tromper l’autre partie sans lesquelles celle-ci n’aurait pas contracté. Mais, là encore, le dol n’est pas toujours retenu par la jurisprudence. Les juges doivent chercher à établir si l’élément mensonger a été un élément décisif dans le recrutement et l’employeur devra apporter des éléments de preuve tangibles suivant lesquels, sans cette mention mensongère ou susceptible d’une interprétation erronée, il n’aurait pas recruté cette personne. De plus et sauf dans l’hypothèse de la profession réglementée, l’employeur ne peut plus invoquer le dol dès lors que la qualité de travail a été jugée satisfaisante. Les juges se placent, en effet, à la fois sur le terrain de la loyauté et de la confiance mais aussi sur celui des compétences. Ainsi, dans une affaire où l’employeur s’était rendu compte trois ans plus tard que son salarié avait donné des informations inexactes sur ses diplômes au moment du recrutement, les juges ont estimé que celui-ci avait acquis de l’ancienneté et fait ses preuves, et donc que le licenciement pour manque de loyauté lors de l’embauche n’était plus justifié (Cour de cassation française, 30 mars 1999).

Autrement dit, l’employeur a le devoir de vérifier les informations communiquées avant même d’avoir recruté.

La vérification des expériences passées, notamment par le biais d’appels téléphoniques auprès d’anciens employeurs et/ou de personnes de référence, la consultation des réseaux sociaux (LinkedIn, Facebook, Twitter, etc.), la vérification dans certains cas de l’honorabilité du candidat par le biais d’une demande d’extrait de casier judiciaire sont autant d’éléments qui peuvent permettre à l’employeur de vérifier l’exactitude des données et la bonne moralité du candidat avant de le recruter et de conclure un contrat de travail. Loin du véritable background check tel que pratiqué dans les sociétés anglo-saxonnes qui n’hésitent plus à externaliser ce service et à mener de véritables enquêtes sur les candidats pour maximiser leur efficacité et les délais de mise en oeuvre eu égard au volume de candidatures, le recruteur dispose, au Luxembourg de quelques outils utiles pour vérifier les informations communiquées par le candidat.

Pour autant, le recruteur n’a pas tous les droits. Il ne peut, en effet, demander et vérifier que les informations en lien direct avec le poste à pourvoir ou celles qui sont nécessaires pour apprécier la capacité du candidat à occuper l’emploi proposé et ses aptitudes professionnelles. Le recruteur doit informer le candidat des méthodes et techniques d’aide au recrutement utilisées et ne peut collecter des données personnelles à son insu. Le recruteur peut, voire doit, suivant le poste proposé, s’assurer de la bonne moralité du candidat.

Il est à cet égard important de noter que la loi du 23 juillet 2016 portant modification 1) de la loi du 29 mars 2013 relative à l’organisation du casier judiciaire, 2) du Code d’instruction criminelle, 3) du Code pénal, entrée en vigueur le 1er février 2017, restreint de manière significative, comparativement à la précédente loi en la matière, les cas dans lesquels l’employeur est autorisé à solliciter la délivrance d’un extrait de casier judiciaire (bulletin n° 3 contenant les peines privatives de liberté à l’exclusion notamment de celles de moins de 24 mois assortis d’un sursis) afin de s’assurer de la bonne moralité du candidat et impose, pour ce faire, de nouvelles conditions.

Ainsi, l’employeur ne peut demander un extrait de casier judiciaire que dans les cas limitativement prévus ci-dessous :

  • à l’occasion du recrutement. La demande de casier judiciaire dans le cadre du recrutement doit être formulée par écrit et figurer dans l’offre d’emploi. Elle doit, en outre, être motivée par rapport aux besoins spécifiques du poste proposé ;
  • durant la relation contractuelle de travail.

Une nouvelle demande de casier n’est possible que lorsque la loi le prévoit expressément (ex. métiers en relation avec des mineurs, etc.) ou lorsque le salarié est affecté, au cours de la relation de travail, à de nouvelles fonctions requérant de vérifier au regard des besoins spécifiques du poste un contrôle sur l’honorabilité, voire la moralité de ce dernier.

Dans les deux cas susvisés, l’employeur demande la délivrance du bulletin n° 3, étant entendu que la demande d’un bulletin n° 4 (informations contenues dans le bulletin n° 3 plus celles relatives aux interdictions de conduire durant les 3 dernières années) n’est autorisée que dans les cas où la détention d’un permis de conduire valable est indispensable pour l’exercice de l’activité professionnelle et que cette condition figure dans l’offre d’emploi. Enfin, la demande d’un bulletin n° 5 est autorisée pour le recrutement de toute personne ayant une activité impliquant des contacts réguliers avec des mineurs.

La loi du 23 juillet 2016 impose par ailleurs de nouvelles conditions strictes de conservation. Ainsi, en matière de recrutement, si le candidat n’a pas été retenu, le bulletin doit être détruit sans délai. Dans l’hypothèse où le candidat est recruté, l’employeur est désormais contraint de ne plus posséder l’extrait ni de retenir les données qu’il contient par quelque biais que ce soit un mois à compter de l’entrée en service du candidat (ce délai étant considérablement réduit au regard des 24 mois de conservation sous l’emprise de la loi précédente). La loi prévoit la possibilité de conserver jusqu’à deux mois l’extrait de casier judiciaire dans des cas spécifiques tels que la nouvelle affectation de poste en cours de travail.

Des sanctions pénales sont prévues en cas de violation de ces dispositions. Tout employeur qui sollicite la délivrance d’un bulletin de casier judiciaire en violation des règles susvisées s’expose à une peine d’emprisonnement de huit jours à un an et une amende de 251 à 3.000 EUR. Tout employeur qui conserve le bulletin judiciaire ou ses données au mépris des délais susvisés s’expose à une amende de 251 à 3.000 EUR.

Des outils numériques à disposition

Enfin, outre les contrôles exposés ci-dessus et bien qu’il s’agisse d’une pratique très répandue mais non réglementée, tout employeur peut utiliser, sans discriminer, tous les outils numériques mis à sa disposition pour recruter. S’il n’est pas possible de collecter des données personnelles à l’insu du candidat, l’utilisation des données publiques retraçables à partir d’un simple moteur de recherche tel que Google ou celles postées sur des réseaux personnels mais accessibles au public tels que Facebook sont autant d’informations glanées sur le candidat qui, malgré lui, peuvent entrer en considération dans le processus de recrutement.

Loin de n’être utilisés qu’au cours de la phase d’entrée en relation avec l’employeur, les réseaux sociaux, qui peuvent s’avérer de véritables outils de contrôle du comportement du salarié, sont à l’origine de nombreux licenciements et contentieux.

Les employeurs peuvent, ainsi, en toute légalité suivant la jurisprudence, consulter les messages se trouvant sur les « espaces publics » des réseaux sociaux, notamment les « murs » rendus accessibles à un cercle restreint de personnes (amis et amis d'amis). Les tribunaux considèrent en effet que ces contenus diffusés sur un « lieu privé ouvert au public » sont, contrairement aux e-mails personnels, accessibles à l'employeur, le salarié ne pouvant s'abriter derrière le secret des correspondances privées. Et de nombreuses condamnations ont ainsi été prononcées un peu partout en Europe au cours de ces dernières années, dès que les propos ont outrepassé la frontière de la liberté d'expression, du devoir de loyauté ou de l'exercice du droit de libre critique par un salarié de ses conditions de travail (ex : un tribunal britannique a validé le licenciement d'un salarié d'Apple qui s'était emporté sur Facebook contre une application qui déréglait l'horloge de son smartphone (novembre 2011)).

Si la jurisprudence ne prenait, par ailleurs, en considération autrefois que le paramétrage public des informations diffusées sur la toile, autrement dit considérait que des propos diffusés par un salarié sur son compte Facebook, dès lors qu’ils n’étaient « accessibles qu’aux personnes agréées par le salarié en question, en nombre très restreint », relevaient de sa vie privée et ne pouvaient légalement justifier un licenciement, les tribunaux français, à travers un arrêt de la Cour d’appel de Reims (France) du 16 novembre 2016, font désormais fi de cette distinction. Dans cette affaire, une aide-soignante d’une maison de retraite médicalisée a réalisé une vidéo dans laquelle elle apparaît dans les locaux de son employeur, déguisée d’une perruque, assise sur un fauteuil roulant de l’établissement, avec un scotch sur la bouche et les mains liées par une bande de contention, se faisant arroser de seaux d’eau et d’un tuyau d’arrosage par trois autres salariés. Cette vidéo a été tournée dans le cadre de sa participation à un défi Facebook et diffusée à son « seul » réseau privé d’« amis » Facebook. Les tribunaux ont considéré que dès lors que la vidéo a été réalisée dans les locaux de l’entreprise, avec des moyens mis à la disposition par l’employeur, en violation du règlement intérieur, la diffusion de la vidéo en paramétrage privé n’exclut pas l’atteinte portée à l’image de l’établissement, de sorte que le licenciement pour faute grave est justifié.

Ces différentes décisions ont pour intérêt de rappeler au salarié qu’il doit attacher une attention particulière aux propos qu’il tient sur son employeur hors de sa sphère privée et notamment sur Internet.

Les salariés ou futurs salariés doivent ainsi garder à l’esprit que les employeurs peuvent désormais procéder à de nombreuses vérifications tant en ce qui concerne un candidat lors d’un recrutement qu’en ce qui concerne un salarié durant la relation contractuelle de travail, à travers un arsenal d’outils que la loi et/ou la jurisprudence autorisent.

Me Catherine Graff - Counsel – Collin Maréchal - Avocats à Luxembourg
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Me Benoît Maréchal - Partner - Collin Maréchal - Avocats à Luxembourg
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