En ce début d’année, nombreux sont ceux qui se posent la question du sort des jours de congé non pris durant l’année calendrier écoulée : sont-ils reportés à l’année suivante ? Ou sont-ils définitivement perdus ? S’ils sont reportés, jusqu’à quelle date le salarié peut-il encore les prendre ? C’est donc l’occasion de rappeler les règles en matière de report de ces jours à l’année suivante.

En principe, les congés doivent être accordés et pris pendant l’année civile, du 1er janvier au 31 décembre de l’année en cours. Toutefois, ce principe connaît des exceptions prévues tant par le Code du travail que par la jurisprudence ou par les parties elles-mêmes.

Congé de la première année

Le Code du travail prévoit que le congé de l’année d’embauche qui n’a pas pu être pris intégralement au cours de cette première année peut, à la demande du salarié, être reporté à l’année suivante, sans limitation, autrement dit jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle de l’embauche.

Ainsi, des salariés ayant commencé à travailler au cours de l’année 2016 et qui n’auraient pas pris l’ensemble de leurs jours de congé (proratisés à leur temps de présence) peuvent demander que ces jours non pris soient reportés à l’année 2017.

Congé refusé

Le Code du travail précise également que si une demande de congé a été refusée par l’employeur en raison des besoins du service ou des désirs justifiés d’autres salariés, les jours de congé non pris en raison d’un tel refus à la fin de l’année civile peuvent être reportés exceptionnellement, mais cette fois-ci, uniquement jusqu’au 31 mars de l’année qui suit.

De la sorte, si une demande de congé a été refusée à l’un de vos salariés au cours de l’année 2016, celui-ci aura la possibilité de demander le report des jours non pris jusqu’au 31 mars 2017.

Congé en cas de congé maternité et/ou de congé parental

Enfin, le Code du travail dispose que tant les jours de congés annuels non pris au début du congé de maternité et/ou du congé parental, de même que les jours de congé nés pendant le congé de maternité sont reportés dans les délais légaux. Les délais légaux sont, suivant la date de la reprise du travail après le congé maternité/ parental : l’année civile, le 31 mars ou le 31 décembre de l’année suivante.

Ainsi, si une salariée a été, au courant de l’année 2016, d’abord en congé maternité, puis en congé parental à temps plein et qu’elle n’a pas pu prendre l’entièreté des jours lors de son retour en fin d’année 2016, les jours de congé non pris sont reportés jusqu’au 31 mars 2017. Si, en revanche, un salarié disposait encore de jours de congé au début de son congé parental à temps plein qui a commencé en fin d’année 2016 et qui se terminera après le 31 mars 2017, alors les jours de congé non pris de l’année 2016 sont reportés et doivent être pris jusqu’au 31 décembre 2017.

Congé en cas de maladie du salarié

La jurisprudence a par ailleurs reconnu que le salarié qui, pour cause de maladie, n’a pas pu prendre son congé annuel au cours de l’année civile, est en droit d’exiger que le congé non pris soit reporté à l’année suivante. Dans ce cas également, les jours de congé non pris sont reportés jusqu’au 31 mars, sauf lorsque la maladie est continue et empêche le salarié à prendre ses jours de congé de l’année précédente jusqu’à cette date. Dans une telle hypothèse, les jours de congé non pris seront alors reportés jusqu’au 31 décembre.

Mention d’un report sur les fiches de salaires

Les fiches de salaire renseignent en principe le solde des jours de congé existant et le report des congés. A cet égard, il arrive parfois que les jours de congé non pris à la fin de l’année civile soient automatiquement inscrits sur les fiches de salaire de l’année suivante sans que l’employeur en ait véritablement conscience.

Dans une affaire récente, un employeur l’a appris à ses dépens. En effet, un salarié réclamait à son employeur une indemnité pour jours de congé non pris sur plus de quatre années. L’employeur invoqua alors le principe de l’annualité du congé et contesta avoir accepté le report des jours de congé non pris sur plusieurs années. Or, les fiches de salaires produites en justice par le salarié indiquaient sous report congé : 130 jours et sous jours fériés légaux : 22 jours. Cette inscription, probablement automatiquement générée par un logiciel informatique, sans volonté consciente de l’employeur, équivaut, selon la jurisprudence, à une acceptation tacite de l’employeur à reporter les jours de congé non pris d’une année à l’autre. Ainsi, la Cour a décidé que le salarié avait droit à être indemnisé pour les jours en cause suite à la rupture des relations de travail. L’employeur a ainsi été condamné à payer plus de 42.000 EUR à titre d’indemnité pour congé non pris. La Cour a en effet considéré qu’ « il résulte de ces fiches ainsi que de toutes les fiches de salaires établies à partir de juillet 2009 que l’employeur a reporté les jours de congé et les jours fériés au-delà des périodes dont il fait état. La Cour en déduit que l’employeur reconnaît le droit du salarié à ces jours de congé et à ces jours fériés même après l’expiration du délai dans lequel le congé légal et le jour de repos compensatoire auraient dû être pris et qu’il a renoncé à invoquer la prescription pour les reports relatifs à des congés et des jours fériés antérieurs à juillet 2009 ».

Il est dès lors essentiel, pour éviter d’être engagé à son insu, de configurer spécifiquement le logiciel informatique gérant les salaires et notamment les congés, de donner des instructions claires aux fiduciaires chargées de l’établissement des fiches de salaires et de vérifier également les fiches de salaires, en particulier celles de janvier et d’avril, avant de les remettre aux salariés.

Clause du contrat de travail

La question du report du congé d’une année à l’autre peut faire l’objet d’une clause spécifique dans le contrat de travail. S’il le souhaite, l’employeur peut mettre en place un système de report du congé annuel plus favorable au salarié, notamment en autorisant le report de jours de congé non pris à la fin de l’année civile à l’année qui suit, en dehors des cas prévus par la loi (par exemple : un report d’un maximum de 5 jours de congé non pris d’une année à l’autre).

Si l’employeur décide toutefois de limiter les cas de report des jours de congé à ceux prévus par la loi et la jurisprudence, il devra alors s’assurer que les fiches de salaires soient en adéquation avec cette volonté.

Bien que l’employeur ait toujours la faculté de refuser une demande de congé formulée par son salarié (pour besoins de service ou désir justifié d’autres salariés), il est important de rappeler que le principe en matière de congé est la prise effective du congé. Cette règle implique notamment qu’il n’est pas permis à l’employeur de remplacer les jours de congés payés par le versement d’une indemnité compensatoire. Cette possibilité n’est en effet prévue que dans l’hypothèse d’une résiliation du contrat de travail si le salarié n’a pas été en mesure de jouir de l’entièreté de ses congés avant la fin des relations de travail.

Me Gabrielle Eynard - Senior Associate
Me Gabrielle Eynard - Senior Associate
Me Maurice Macchi - Associate - Allen & Overy SCS
Me Maurice Macchi - Associate - Allen & Overy SCS