La digitalisation du travail imposée par le télétravail a souligné l'importance pour les salariés de savoir utiliser les outils numériques.

Le confinement du printemps 2020 a imposé le télétravail à de nombreux salariés et a accentué ainsi l’importance de détenir des compétences digitales qui, dans le contexte de la 4e Révolution Industrielle, sont fortement demandées par les entreprises et les administrations. Par exemple, au Luxembourg, entre septembre 2018 et septembre 2019, 68 % des offres d’emploi parues en ligne exigeaient la maîtrise de compétences digitales de base (utilisation d’un ordinateur, d’Internet…) et 59 % la maîtrise de compétences digitales plus avancées (analyse de données, langage de programmation…)(1).

Nous nous demandons ici si la période du confinement a été propice pour les personnes en situation de télétravail à l’expérimentation de nouveaux outils digitaux, à l’intensification de leur usage et à l’amélioration de leurs compétences digitales(2).

Pour répondre à ces interrogations, nous nous appuyons sur les données de la 1ère vague de l’Enquête sur les impacts socio-économiques de la crise du COVID-19 au Luxembourg (SEI) conduite, de mai à juillet 2020, par le LISER et l’Université du Luxembourg avec le soutien du Fonds National de la Recherche, Luxembourg (FNR).

Près de 2 télétravailleurs sur 5 ont expérimenté de nouveaux outils digitaux à l’occasion du confinement

30 % des télétravailleurs estiment que leurs compétences digitales se sont accrues pendant le confinement, 68 % estiment qu’elles n’ont pas évolué et 2 % qu’elles ont diminué.

Pour 43 % des télétravailleurs, le confinement a donné lieu à la découverte de nouveaux outils. En moyenne, les télétravailleurs utilisaient avant le confinement 3,9 types d’outils digitaux sur les dix étudiés(3) contre 4,3 pendant le confinement. Ce sont les outils visant à pallier l’absence de rencontre en face-à-face qui ont été les plus souvent expérimentés (voir Graphique 1). En effet, parmi les télétravailleurs ayant expérimenté de nouveaux types d’outils, 50 % ont utilisé des outils de visioconférence alors qu’ils ne le faisaient pas avant, 40 % des outils de type workflow et 37 % une messagerie instantanée.

La découverte de nouveaux outils a été plus fréquente parmi les personnes travaillant dans le secteur de l’administration publique ou l’éducation et parmi celles qui ne télétravaillaient pas avant le confinement.

Un usage plus intensif des outils digitaux pour près de 3 utilisateurs sur 5

58 % des télétravailleurs qui utilisaient des outils digitaux avant y ont eu plus fréquemment recours pendant le confinement. A nouveau, ce sont les outils de visioconférence qui ont vu leur fréquence d’utilisation le plus augmenter (voir Graphique 2). Quant aux technologies intelligentes et auto-apprenantes, la moitié de leurs utilisateurs a réduit leur intensité d’usage pendant le confinement.

Cinq profils de télétravailleurs se distinguent

En analysant l’évolution du nombre d’outils digitaux utilisés du fait du confinement et l’intensité du recours aux outils, 5 groupes de télétravailleurs se distinguent (voir Figure 1) :

  • Groupe 1 (16 % des télétravailleurs) : télétravailleurs qui ont eu peu recours aux outils digitaux pendant le confinement (Usage faible) ;
  • Groupe 2 (36 %) : télétravailleurs qui ont expérimenté pendant le confinement des outils de visioconférence ou de messagerie instantanée et ceux dont l’utilisation de ce type d’outils n’a pas varié par rapport à avant le confinement (Usage extensif mais limité) ;
  • Groupe 3 (21 %) : télétravailleurs qui n’ont pas modifié leur comportement vis-à-vis des outils digitaux pendant le confinement. Ils utilisaient de nombreux outils digitaux avant le confinement et ont continué à le faire durant cette période (Usage élevé mais stable) ;
  • Groupe 4 (19 %) : télétravailleurs qui, pendant le confinement, ont plus fréquemment eu recours aux outils digitaux qu’ils utilisaient auparavant (Usage intensif) ;
  • Groupe 5 (8 %) : télétravailleurs qui ont profité du confinement pour expérimenter de nombreux outils digitaux (Usage extensif élevé).

3 télétravailleurs sur 10 estiment que leurs compétences digitales ont augmenté pendant le confinement

30 % des télétravailleurs estiment que leurs compétences digitales se sont accrues pendant le confinement, 68 % estiment qu’elles n’ont pas évolué et 2 % qu’elles ont diminué.

Les télétravailleurs qui ont expérimenté de nouveaux outils digitaux pendant le confinement et qui les ont utilisés intensément (Usage extensif élevé) sont ceux qui estiment le plus avoir amélioré leurs compétences digitales (voir Graphique 3).

Certains télétravailleurs sont plus susceptibles, toutes choses égales par ailleurs, que d’autres de percevoir des gains en compétences digitales. C’est le cas des femmes, des télétravailleurs âgés de 30 à 39 ans, de ceux âgés de 50 ans et plus, et des diplômés de l’enseignement supérieur. Des différences sont également à noter selon le secteur d’activité : les télétravailleurs de l’administration publique ou de l’éducation et ceux de la finance ou de l’assurance sont plus susceptibles que les autres d’avoir vu leurs compétences digitales croître. Enfin, les télétravailleurs qui habitent dans un environnement optimal, caractérisé par une maison où la surface par habitant est élevée et qui jouissent d’un extérieur (accès à un jardin, une terrasse ou à un parc public à proximité) ont plus profité du confinement pour améliorer leurs compétences digitales que ceux habitant dans un autre type d’environnement.

En résumé, 72 % des télétravailleurs lors du confinement ont plus utilisé d’outils digitaux pendant cette période qu’auparavant : 20,5 % ont eu un usage uniquement extensif (expérimentation de nouveaux outils), 29 % ont eu un usage uniquement intensif (augmentation de la fréquence d’utilisation) et 22,5 % un usage à la fois extensif et intensif. Si, à l’occasion du confinement, la majorité des télétravailleurs ont modifié leur comportement vis-à-vis des outils digitaux, seulement 30 % partagent le sentiment d’avoir amélioré leurs compétences digitales.

Graphique 1 : Part des télétravailleurs ayant expérimenté un nouvel outil digital parmi ceux ayant découvert au moins un nouvel outil pendant le confinement

liser
Source : 1ère vague de l’Enquête SEI, Sous-module Télétravail ; calculs : LISER.

Graphique 2 : Evolution de l’intensité d’usage des outils numériques chez les télétravailleurs les utilisant avant le confinement

Source : 1ère vague de l’Enquête SEI, Sous-module Télétravail ; calculs : LISER.
Source : 1ère vague de l’Enquête SEI, Sous-module Télétravail ; calculs : LISER.

Certains télétravailleurs sont plus susceptibles, toutes choses égales par ailleurs, que d’autres de percevoir des gains en compétences digitales. C’est le cas des femmes, des télétravailleurs âgés de 30 à 39 ans, de ceux âgés de 50 ans et plus, et des diplômés de l’enseignement supérieur.

Figure 1 : Les 5 profils de télétravailleurs vis-à-vis de l’évolution de l’usage des outils digitaux et de l’intensité du recours à ces outils

Source : 1ère vague de l’Enquête SEI, Sous-module Télétravail ; calculs : LISER.
Source : 1ère vague de l’Enquête SEI, Sous-module Télétravail ; calculs : LISER.

Graphique 3 : Amélioration des compétences digitales pendant le confinement selon le profil

Source : 1ère vague de l’Enquête SEI, Sous-module Télétravail ; calculs : LISER.
Source : 1ère vague de l’Enquête SEI, Sous-module Télétravail ; calculs : LISER.

Note : les rapports de chance (odds ratio, au-dessus des flèches) sont calculés à partir d’une régression logistique estimant les déterminants du sentiment d’amélioration des compétences digitales pendant le confinement du printemps 2020 (oui/non).

Laetitia Hauret Docteur en Sciences économiques, chercheur au sein du département Marché du Travail
Laetitia Hauret Docteur en Sciences économiques, chercheur au sein du département Marché du Travail

Ludivine Martin Docteur en Sciences économiques, chercheur au sein du département Marché du Travail
Ludivine Martin Docteur en Sciences économiques, chercheur au sein du département Marché du Travail

Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER)

(1) Bourgeon et al. (2020), Quelles sont les compétences recherchées au Luxembourg ?, entreprises magazine n° 103, Septembre-Octobre 2020, pp.110-112.

(2) Cette publication présente des résultats de recherche menée dans le cadre du projet DIGITUP – Digital Up-skilling in a telework environment (financé par le Fonds National de la Recherche, Luxembourg (COVID-19/2020- 1/14736055/DIGITUP/Martin).

(3) Les 10 outils digitaux étudiés sont : Conception/ fabrication assistée par ordinateur ; Logiciel de gestion de la relation client ; Messagerie instantanée ; Outil de gestion des flux de travail ; Outil de soutien pour les réunions, formations... ; Outil de travail collaboratif et partage de documents ; Outil de visioconférence ; Progiciel de gestion intégrée ; Réseau social d’entreprise, blogs et wikis internes ; Technologies intelligentes et auto-apprenantes.