Le crowdsourcing est devenu, avec l’avènement des économies collaboratives, une pratique très répandue, particulièrement dans le milieu des nouvelles technologies de l’information.

Il s’agit de l’opération par laquelle il est appelé de manière ouverte et publique à un large groupe de personnes, non nécessairement professionnelles, pour réaliser une tâche particulière qui aurait été normalement réservée à un employé ou à un prestataire externe. L’entreprise organisant le crowdsourcing choisira alors la meilleure des contributions parmi toutes celles qui sont proposées.

Le crowdsourcing est utilisé dans de nombreux secteurs. La célèbre plateforme encyclopédique Wikipedia, les sites Internet de recueil des avis et notations tels que Tripadvisor...

Il est vrai que la pratique offre de nombreux avantages. Elle est généralement moins onéreuse que d’avoir recours à des professionnels externes. En revanche, elle n’est pas dénuée de risques, particulièrement en ce qui regarde les droits de propriété intellectuelle.

La question se pose alors de savoir comment sécuriser le contenu obtenu par le biais d’opérations de crowdsourcing.

Bien définir les modalités de l’opération

Le crowdsourcing prend souvent la forme d’une compétition ouverte au public à l’issue de laquelle sera déterminée la meilleure des contributions.

En raison de son caractère public, de simples consommateurs au sens de la loi seront amenés à participer, et ce même si c’est le consommateur qui propose ses services. En conséquence, l’organisateur du crowdsourcing devra prendre en compte les règles protectrices spécifiques du droit de la consommation. En particulier, il est interdit de soumettre le consommateur à des clauses abusives, c’est-à-dire des clauses qui entraînent dans le contrat un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur, conformément à l’article L211-2 du Code de la consommation. De telles clauses seraient considérées nulles et peuvent même être sanctionnées d’une amende à l’encontre du professionnel allant de 300 à 10.000 EUR. En tout état de cause, les contributeurs doivent avoir été raisonnablement mis en position de prendre connaissance des conditions générales, et d’autant plus s’ils agissent en tant que consommateurs. Par exemple, il serait possible de conditionner la soumission des contributions à la lecture et à l’approbation des conditions générales accessibles via un lien en cochant une Check-box.

L’organisateur du concours doit donc rédiger des conditions générales claires qui détermineront les critères de la sélection du contributeur, les modalités de sélection du gagnant, le contenu qui doit être créé par les contributeurs, le détail des prix qui peuvent être gagnés et comment ils seront remis au gagnant... L’obligation de déposer le règlement de l’opération de crowdsourcing en tant que jeu-concours auprès d’un huissier n’existe plus désormais en droit luxembourgeois. Il est toutefois recommandé de déposer le règlement du crowdsourcing auprès d’un huissier dès lors que le jeu implique du hasard.

Par ailleurs, il faut que l’organisateur veille au fait que les contributeurs à l’opération ne puissent être quali és de salariés. Pour cela, les contributeurs doivent travailler de manière indépendante vis-à-vis de l’organisateur, de sorte à éviter qu’un lien de subordination, fondant le contrat de travail, puisse être reconnu entre eux.

Enfin, les données personnelles récoltées dans le cadre de l’opération de crowdsourcing doivent être traitées conformément à la loi du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l'égard du traitement des données à caractère personnel telle que modi ée. Les contributeurs doivent être informés du traitement de données et en particulier des catégories de données traitées, de leur droit d’accès et de rectification...

Jusqu’au 25 mai 2018, date d’entrée en vigueur du nouveau Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) qui se substituera à la loi du 2 août 2002, il doit toujours être procédé à la notification des traitements auprès de l’autorité nationale de protection des données personnellesau Luxembourg : la CNPD. Après cette date, la nécessité de procéder à la notication des traitements sera supprimée, mais remplacée par d’autres obligations qui peuvent s’appliquer sous certaines conditions telles que celles de tenir un registre des activités de traitement ou de désigner un délégué à la protection des données.

L’important dans une opération de crowdsourcing est
de s’assurer que le transfert des droits de propriété intellectuelle s’est opéré valablement au profit de la société organisatrice, soit par une cession des droits par laquelle le contributeur abandonne totalement les droits sur l’œuvre créée au profit du cessionnaire, de manière comparable à une vente, soit par une licence par laquelle il n’est transféré qu’un droit d’usage au profit du licencié.

Dans tous les cas, les droits de propriété intellectuelle qui sont transférés doivent être précisés, car les cessions et licences sont toujours interprétées en faveur du cédant ou du donneur de licence, ici donc le contributeur. Un droit qui n’a pas été défini dans le contrat ne sera pas cédé ou licencié.

Garantir le transfert des droits de propriété intellectuelle

L’important dans une opération de crowdsourcing est de s’assurer que le transfert des droits de propriété intellectuelle s’est opéré valablement au profit de la société organisatrice, soit par une cession des droits par laquelle le contributeur abandonne totalement les droits sur l’œuvre créée au profit du cessionnaire, de manière comparable à une vente, soit par une licence par laquelle il n’est transféré qu’un droit d’usage au profit du licencié.

Dans les conditions générales à l’opération de crowdsourcing, une cession ou au moins une licence des droits de propriété intellectuelle sur le travail des contributeurs doit avoir été prévue. En effet, une cession ou une licence sur les droits ne peut jamais être implicite et doit toujours être constatée par écrit.

Dans tous les cas, les droits de propriété intellectuelle qui sont transférés doivent être précisés, car les cessions et licences sont toujours interprétées en faveur du cédant ou du donneur de licence, ici donc le contributeur. Un droit qui n’a pas été défini dans le contrat ne sera pas cédé ou licencié.

Parmi les droits à prévoir dans le contrat, il peut être cité le droit de reproduire l’œuvre, le droit de communiquer l’œuvre au public, le droit de diffuser l’œuvre...

La durée et le territoire d’application de la cession ou de la licence doivent être mentionnés, en sachant qu’il est tout à fait possible de prévoir que la cession ou la licence durera pendant toute la période de validité des droits de propriété intellectuelle et est valable pour le monde entier.

De plus, la société organisatrice devra bien s’assurer de couvrir tous les modes d’exploitation de l’œuvre du contributeur dont elle entend faire usage. A cet effet, il est possible de mentionner que la licence ou la cession couvre tous les modes d’exploitation possibles. Seule limite : les modes d’exploitation inconnus à l’époque de l’acceptation des conditions générales doivent faire l’objet d’une rémunération distincte, en supplément de la rémunération fixée pour tous les autres modes d’exploitation.

Le recours à des contributeurs non professionnels peut s’avérer risqué, dans la mesure où ils sont moins sensibilisés aux thématiques de contrefaçon. Ainsi, il y a un risque plus grand à ce qu’ils contreviennent aux droits de propriété intellectuelle de parties tierces. Il doit être prévu par précaution dans les conditions générales une obligation de ne pas reprendre des éléments constituant une contrefaçon des droits de propriété intellectuelle de tiers et une garantie dans le cas où serait effectivement constatée une contrefaçon de la part du contributeur.

Dans tous les cas, la société organisatrice doit avoir à l’esprit que le contributeur peut ne pas être aussi solvable qu’un prestataire professionnel.

Le crowdsourcing peut paraître être une action de marketing ef cace et un moyen de réduire les coûts. Cependant, les sociétés l’organisant doivent bien faire attention aux dangers que cela peut représenter. Ces risques proviennent du fait que les contributeurs :

  • sont souvent des consommateurs, sujets à plus de protection ;
  • ne peuvent être contrôlés et représentent ainsi une source de responsabilité accrue pour la société organisant l’opération.

Me Emmanuelle Ragot, Partner – Head of IP/TMT, Wildgen S.A.
Me Emmanuelle Ragot, Partner – Head of IP/TMT, Wildgen S.A.

Guillaume Dally, Collaborateur, Wildgen S.A.