Dans un monde où la technologie règle, jour après jour, davantage d’aspects de la vie, l’innovation revêt une importance toute particulière. Ainsi, nombre d’acteurs rivalisent d’inventivité pour offrir à la société de nouveaux outils, de nouvelles façons de communiquer, d’interagir ou de créer. Sur ce marché compétitif, les coûts de recherche et de développement vont croissant, les entreprises innovantes se multiplient et de nouveaux secteurs d’activité voient le jour quasi quotidiennement. Dans ce contexte, les créations de l’esprit prennent une place inédite jusqu’alors. Si beaucoup d’entreprises fondaient l’essentiel de leur activité et de leur chiffre d’affaires sur leurs produits industriels, l’immatériel se taille désormais la part du lion.

Il suffira de songer aux success stories les plus marquantes ces dernières années – Google, Facebook, Spotify... – pour réaliser que celles-ci sont bien souvent liées non pas à un produit « physique », mais à une création immatérielle.

Le point commun de tous ces succès réside, sans nul doute, dans le concept de propriété intellectuelle. Devenue un véritable actif valorisable au bilan des entreprises, celle-ci fait l’objet de toutes les convoitises.

C’est la raison pour laquelle il est crucial pour l’entreprise de connaître les différents outils juridiques à sa disposition lui permettant de protéger ses créations, et tout particulièrement celles présentant un caractère innovant.

La propriété intellectuelle

La notion de propriété intellectuelle comprend deux principales facettes :

• en premier lieu, la propriété « littéraire et artistique ». Celle-ci correspond à la protection des œuvres de l’esprit, essentiellement par le droit d’auteur et les droits dits « voisins » (tels que les droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de films), mais également par le droit spécial protégeant les producteurs de bases de données ;

• en second lieu, la propriété « industrielle ». Elle permet, quant à elle, la protection de différents aspects de créations industrielles, notamment par le droit des brevets d’invention, des marques et des dessins ou modèles.

Ces droits ont pour point commun de constituer des outils juridiques puissants en ce qu’ils représentent, pour leur titulaire, un monopole d’exploitation. Le titulaire d’un tel droit pourra ainsi interdire aux tiers de faire usage de sa création sans son accord préalable. Pour ce faire, il disposera d’une arme sans équivalent : l’action en contrefaçon. Grâce à cette dernière, le titulaire pourra solliciter de la juridiction compétente qu’elle interdise au tiers contrefaisant la réalisation des actes litigieux, voire qu’elle le condamne à l’indemniser pour le préjudice éventuellement subi.

En outre, le titulaire organisera sa propriété comme il l’entendra. Il pourra ainsi décider de céder ses droits, de les concéder en licence... Dans la plupart des cas, cette organisation sera réalisée par le moyen de contrats ad hoc.

Pour une entreprise, il sera important d’organiser la cession des droits de propriété intellectuelle de ses employés à son profit afin de pouvoir en disposer librement, notamment à des fins commerciales. A cet égard, l’insertion d’une clause de cession de droits de propriété intellectuelle au sein des contrats de travail sera indispensable, même dans la mesure où certaines lois ou jurisprudences organisent déjà cette cession dans quelques cas.

Il conviendra enfin de noter que d’autres types de propriété intellectuelle existent (comme par exemple certains savoir-faire, secrets de fabrique, appellations d’origine protégée...). Compte tenu de leur grande spécificité et de l’intérêt limité qu’ils représentent pour une majorité d’entreprises, ces derniers ne seront pas développés ici.

Le droit d’auteur

Au Luxembourg, le droit d’auteur protège les « œuvres littéraires et artistiques originales, quels qu’en soient le genre et la forme ou l’expression, y compris les photographies, les bases de données et les programmes d’ordinateur »(1).

Le droit d’auteur protège donc tout type d’œuvre de l’esprit, et ce, ab initio. En d’autres termes, toute œuvre originale est protégée dès sa création, sans qu’il soit besoin pour son auteur de recourir à une quelconque formalité pour ce faire.

Il convient néanmoins d’apporter une nuance à ce principe : il n’est pas possible de protéger une simple idée, un concept ou une information par le droit d’auteur. C’est uniquement la formalisation concrète d’une idée qui peut prétendre à une telle protection. Par exemple, s’agissant d’un réseau social en ligne, la simple idée de permettre aux individus de communiquer entre eux par l’intermédiaire d’un site Internet n’est pas protégeable en tant que telle. En revanche, le site Internet du réseau social, permettant à l’utilisateur de réaliser ces tâches de manière structurée, est bien protégé.

En outre, le fait que le droit d’auteur ne soit soumis à aucune formalité de dépôt emporte un principal écueil : celui de la preuve de l’antériorité. En effet, il reviendra à l’auteur de préconstituer des preuves de date d’antériorité, dont il pourra ensuite faire état en cas de contrefaçon.

Pour ce faire, différents moyens peuvent être envisagés, tels que, par exemple, le dépôt de l’œuvre auprès d’un huissier ou le dépôt du logiciel auprès de certaines institutions spécialisées.

Comme tous les titres de propriété industrielle, le brevet jouit d’une protection territoriale limitée. Par exemple, un brevet délivré au Luxembourg n’aura d’effet que sur le territoire du Grand-Duché et l’inventeur devra donc procéder au dépôt de son brevet dans l’ensemble des territoires qui pourraient l’intéresser.

Le brevet

Le droit des brevets permet de protéger les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle.

Contrairement au droit d’auteur, la protection du brevet nécessite la réalisation de formalités auprès d’un Office de brevets, en vue de l’obtention d’un titre de propriété industrielle. Pour obtenir un brevet luxembourgeois, l’inventeur devra ainsi déposer une demande auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du ministère
de l’Économie.

Si le brevet est délivré par l’Office, il protégera l’invention pour une durée maximale de 20 ans, après laquelle le brevet tombera dans le domaine public.

Comme tous les titres de propriété industrielle, le brevet jouit d’une protection territoriale limitée. Par exemple, un brevet délivré au Luxembourg n’aura d’effet que sur le territoire du Grand-Duché et l’inventeur devra donc procéder au dépôt de son brevet dans l’ensemble des territoires qui pourraient l’intéresser. Il est à noter que certains systèmes supranationaux existent tels que le brevet européen (délivré par l’OEB), permettant de couvrir jusqu’à 40 pays d’Europe.

La marque

Le droit des marques permet de protéger un « signe » servant à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux de ses concurrents. Un tel signe peut ainsi recouvrir un grand nombre d’hypothèses. Un mot, un dessin, une lettre, un hologramme... peuvent constituer une marque, à la seule condition qu’ils remplissent la condition de « distinctivité », à savoir qu’ils permettent au public de distinguer les produits ou services commercialisés sous ce signe de produits ou services similaires commercialisés par des concurrents.

La marque, en tant que titre de propriété industrielle, impose à son titulaire de réaliser un dépôt auprès d’un Office de marques.

Au Luxembourg, le régime des marques est régi par la convention Benelux. Il n’existe ainsi pas de marque luxembourgeoise, mais uniquement une « marque Benelux », en vigueur simultanément dans les trois Etats du Benelux, enregistrable auprès de l’OBPI.

La marque n’aura qu’un effet territorial limité et il conviendra donc que son titulaire la dépose au sein des différents territoires dans lesquels il désirera bénéficier d’une protection. Il existe également des systèmes de protection supranationaux (comme la marque de l’Union européenne, en vigueur dans les 28 Etats membres de l’UE simultanément et enregistrable auprès de l’EUIPO). En revanche, contrairement au brevet, la
marque a une durée de vie potentiellement illimitée, puisqu’elle peut être renouvelée tous les 10 ans.

Enfin, sa protection juridique sera limitée aux produits et services visés lors de son dépôt.

Dessins ou modèles

Le dessin ou modèle permet de protéger l’aspect visuel et esthétique d’un produit, que ce soit en deux ou en trois dimensions. Peuvent ainsi être protégées toutes les caractéristiques extérieures d’un objet, dès lors qu’elles ne sont pas dictées uniquement par la fonction technique de l’objet.

Le dessin ou modèle doit faire l’objet d’un dépôt auprès d’un Office de propriété industrielle. A l’instar des marques, il n’existe pas de dessin ou modèle luxembourgeois, mais uniquement un dessin ou modèle Benelux.

La protection du dessin ou modèle sera, là encore, limitée territorialement et il incombera au titulaire de réaliser son dépôt auprès des Offices nationaux d’intérêt. Il existe, là aussi, des systèmes supranationaux (tel le dépôt de dessin ou modèle de l’Union européenne, réalisable auprès de l’EUIPO).

Le dessin ou modèle est valable au maximum pour une durée de 25 ans, suite à laquelle il tombe dans le domaine public.

Conclusion

Il incombe à l’entreprise d’identifier, parmi ses créations, celles qui pourraient faire l’objet d’une protection par un ou plusieurs droits de propriété intellectuelle et d’organiser cette protection de manière adéquate. Une telle protection permettra une meilleure valorisation des actifs immatériels et de défendre ces actifs dans un contexte concurrentiel féroce.

Sophie Wagner-Chartier, Partner, IP, Communication & Technology, Arendt & Medernach
Sophie Wagner-Chartier, Partner, IP, Communication & Technology, Arendt & Medernach
David Alexandre, Senior Associate, IP, Communication & Technology, Arendt & Medernach
David Alexandre, Senior Associate, IP, Communication & Technology, Arendt & Medernach

(1) Article 1er de la loi du 18 avril 2001 modifiée sur les droits d’auteur, les droits voisins et les bases de données.