La prise en charge par l’employeur des frais de formation des salariés pendant la relation de travail est un investissement dans le « capital humain » de l’entreprise et a pour principal objectif de pouvoir disposer de salariés qualifiés pour leurs fonctions, en l’occurrence de salariés ayant acquis une nouvelle spécialisation utile au développement de l’entreprise.

A l’instar de tout investissement, l’employeur espère, en toute logique, en retirer une plus-value sur le moyen, voire sur le long terme. Il est dès lors particulièrement fâcheux si cet investissement s’avère ne pas avoir porté de fruits (si par exemple le salarié n’est, malgré la formation, pas suffisamment qualifié ou spécialisé), mais surtout s’il appert que cet investissement a été fait « à perte » parce que le salarié a démissionné peu de temps après avoir bénéficié de la formation.

Au regard du coût très important que peuvent avoir certaines formations, il est donc essentiel de se prémunir en amont, alors qu’il n’est pas possible d’interdire à un salarié de démissionner. Dans ce cadre, deux situations sont toutefois à distinguer :

- les formations dites réglementées

Une formation est dite réglementée lorsqu’elle s’inscrit dans un plan de formation au sens de l’article L.542-9 du Code du travail. Il est à noter qu’un tel plan de formation peut être mis en place soit au niveau de l’entreprise, soit par une convention collective de travail. Aussi, sous réserve que certaines conditions soient remplies, un tel plan de formation bénéficiera de subsides étatiques permettant à l’employeur de « partager » la prise en charge des frais de formation avec l’Etat. Pour pouvoir prétendre à un tel remboursement, plusieurs conditions doivent être remplies cumulativement :  

  1. la rupture des relations de travail doit avoir été faite à l’initiative du salarié, c’est-à-dire qu’il doit avoir démissionné (ou avoir été licencié pour faute grave), sauf si la démission est motivée par une faute grave de l’employeur ;
  2. le plan de formation doit avoir été agréé par le ministre ayant la formation professionnelle continue dans ses attributions ;
  3. la formation doit avoir été dispensée au profit du salarié.

Il va sans dire que les deux premières conditions sont relativement simples à remplir, alors que la troisième condition a fait l’objet de plusieurs interprétations et discussions en jurisprudence. Dans la grande majorité des décisions, l’employeur n’est pas parvenu à établir que la formation a été dispensée au profit du salarié.

En effet, lorsque l’employeur finance une formation, il souhaite, comme énoncé, en retirer une plus-value pour son entreprise. En revanche, il est évident que le salarié retire également un avantage de la formation qu’il reçoit. Il est dès lors essentiel, afin d’éviter l’écueil de ne pas pouvoir prouver que la formation a été dispensée au profit du salarié, de préciser – comme expliqué ci-dessous – dans une convention de formation signée entre l’employeur et le salarié, préalablement à la formation, les bénéfices et avantages que cette formation procurera au salarié.

Aussi, une décision très récente, concernant plus particulièrement un pilote d’avion, a procédé à un revirement de jurisprudence en ce qui concerne la formation annuelle obligatoire des pilotes visant à renouveler leur licence.

Jusqu’à présent, de nombreuses décisions avaient retenu qu’une telle formation se rattachait directement aux besoins spécifiques de l’employeur, de telle sorte qu’elle n’était pas dispensée au profit du salarié. La Cour d’appel, dans un arrêt du 4 février 2016, a toutefois renversé cette jurisprudence en précisant qu’« il est finalement faux de prétendre, comme le fait le salarié, que les formations suivies par lui l’ont été uniquement dans l’intérêt de l’employeur, dès lors que la formation professionnelle proposée au salarié est effectuée pour permettre à ce dernier d’améliorer ses compétences et performances personnelles et surtout, comme en l’espèce, de respecter les normes internationales en matière de pilotage, pour justement lui permettre d’exercer ou de continuer à exercer sa profession ».

Outre l’indication des avantages et bénéfices que retirera le salarié de la formation, la convention pourra également indiquer toutes les modalités pratiques liées à l’organisation de la formation et informer le salarié du montant à rembourser, dont il sera redevable en cas de démission.

Conformément au Code du travail, le montant à rembourser correspond à la valeur résiduelle de l’investissement de l’employeur et ne peut porter que sur les frais de l’exercice en cours et des trois exercices précédant la démission.

De la sorte, le pourcentage de remboursement est dégressif en fonction du temps et un abattement forfaitaire est également à déduire par année. Aussi, il va sans dire que la part des frais de formation pris en charge par l’Etat devra également être déduite.

Par exemple, pour une formation dispensée et payée en 2016 et ayant un coût pour l’employeur de 35.000 EUR, les obligations de remboursement du salarié en cas de démission seraient les suivantes :

Année de la
démission du
salarié
Taux de
remboursement
Abattement
forfaitaire
Montant à
rembourser par le
salarié
2016 100 % 0 EUR 35.000 EUR
2017 100 % 1.240 EUR 33.760 EUR
2018 60 % 2.480 EUR 18.520 EUR
2019 30 % 3.720 EUR 6.780 EUR

Ainsi, dans l’hypothèse d’une formation ayant un certain coût, il convient de s’assurer en amont que toutes les conditions légales sont remplies pour pouvoir exiger un remboursement de la part du salarié et, dans l’idéal, d’avoir conclu une convention de formation ;

- les formations dites non réglementées

Les formations dites non réglementées sont celles qui ne s’inscrivent pas dans un plan de formation, mais que l’employeur propose spontanément ou accepte de financer à la demande du salarié. Dans ce cadre, il est à noter que le Code du travail ne réglemente ni les conditions dans lesquelles la formation doit être suivie (pendant les heures de travail ou non, avec ou sans maintien de la rémunération etc.), ni les obligations de remboursement du salarié si celui-ci venait à démissionner ou à être licencié pour faute grave peu de temps après en avoir bénéficié.

Dans ce cas, il est donc essentiel, non seulement pour le bon déroulement de la formation mais surtout pour s’assurer d’un remboursement du salarié des frais de formation suite à une démission ou un licenciement pour faute grave, de conclure avec le salarié, préalablement à la formation, une convention particulière. A défaut, les chances de l’employeur de pouvoir obtenir le remboursement des frais de formation en justice sont a priori limitées. 

Me Gabrielle Eynard - Senior Associate
Me Gabrielle Eynard - Senior Associate
Me Maurice Macchi - Associate - Allen & Overy SCS
Me Maurice Macchi - Associate - Allen & Overy SCS