Que ce soit en matière de politique communale, d’assurance pension, de divorce, de conventions collectives de travail, de violence conjugale… le Conseil National des Femmes du Luxembourg (CNFL) milite sur tous les fronts qui requièrent une attention particulière lorsque les intérêts des femmes sont bafoués. Rencontre avec Anik Raskin, chargée de direction au CNFL.

Anik Raskin, chargée de direction, CNFL.
Anik Raskin, chargée de direction, CNFL.

Comment travaille le CNFL au quotidien ?

Pour promouvoir dans les faits l’égalité entre hommes et femmes, nous analysons le cadre légal existant et nous nous exprimons régulièrement sur les projets de loi par des avis et des prises de position. Il arrive que nous formulions aussi des propositions en vue de lois futures.

Nous agissons auprès du gouvernement, des personnalités politiques et des institutions au niveau national et européen.

Certaines de vos revendications sont récentes, d'autres sont très anciennes mais plus actuelles que jamais, notamment celle concernant la réforme de l'assurance pension…

En effet, nous plaidons pour l’introduction d’un système d’assurance pension individualisé, ce qui signifie la mise en place d’une assurance continuée obligatoire desc’estpersonnes qui interrompent ou réduisent leur carrière professionnelle avec maintien des droits dérivés, du moins jusqu'à ce que les montants des pensions des femmes égalent en moyenne celles des hommes. De ce problème des pensions découlent tous les phénomènes liés à la carrière atypique d’un grand nombre de femmes : travail à temps partiel, interruption(s) de carrière pour élever les enfants, divorce, chômage. Durant toutes ces années, elles perçoivent de petits salaires, donc à terme, de petites pensions et des situations précaires. Il est dès lors impératif de trouver des solutions pour les années à venir. Cette individualisation n’est pas acquise. Aussi, il faut une volonté politique qui permette à toute femme de ne plus interrompre le paiement de ses cotisations sociales durant sa vie professionnelle, en prélevant celles-ci sur les revenus du mariage, par exemple, mais le problème risque de se poser à nouveau lorsqu’il n’y a pas d’argent ou de biens. Il en va de même lors d’un divorce. Un projet de loi a été déposé qui stipule que si une femme a interrompu ou réduit sa carrière au moins cinq ans durant le mariage, elle a la possibilité de racheter ses années de cotisations sociales manquantes en les déduisant sur les biens communs et indivis. Ces montants seraient alors directement versés à la Sécurité sociale. Ici aussi, s’il n’y a pas d’argent ni de biens, les personnes les plus fragiles ne pourront pas en profiter. Ceci ne répond donc pas entièrement aux demandes du CNFL.

Sur le plan de l’emploi, constatezvous des avancées ?

A vrai dire, pas tellement. La ségrégation s’opère toujours au niveau horizontal, c’est-à-dire par type de métier. Les femmes qui choisissent des métiers souvent connotés masculins ne trouvent pas d’emploi uniquement en raison du genre et non de leurs compétences. Dans les métiers de la construction, une femme maçon pose encore des problèmes aux recruteurs. Les stéréotypes résistent donc. D’autre part, la ségrégation s’opère aussi dans le sens vertical. Il paraît plus logique qu’une femme travaille dans la magistrature, l’enseignement ou les services, entraînant une surreprésentation des femmes dans ces milieux-là, ce qui pose d’autres problèmes.

Concernant le travail à temps partiel, on sait que beaucoup de femmes y ont recours, souvent pour élever leurs enfants, car, depuis des années, les hommes n’ont pas investi la sphère privée. Si bien que certain-e-s préconisent le congé de paternité obligatoire et même de l’allonger un peu en corollaire au congé de maternité. Ce serait sans doute une manière de permettre aux femmes d’accéder à des postes à responsabilités à un certain moment de leur carrière.

Dans le cadre des conventions collectives de travail, le CNFL revendique l’inscription obligatoire d’un plan d’actions positives en faveur de l’égalité entre femmes et hommes dans toute convention collective, ainsi que l'établissement obligatoire de tels plans dans le secteur public avec évaluation et suivi. Et nous insistons sur une obligation de résultat. Dans ce domaine, un des problèmes est de savoir qui négocie quoi et pour qui puisque l’on sait qu’il y a une surreprésentation d’hommes dans les milieux syndicaux et des employeurs (négociateurs).

En octobre 2016, le CNFL a lancé un nouveau projet intitulé Voix de jeunes femmes. Quel en est le but ?

Voix de jeunes femmes est un espace d’échanges proposé aux jeunes femmes afin qu’elles puissent partager leurs expériences, échanger sur ce qui les interpelle au quotidien, sur les inégalités qu’elles perçoivent ou vivent et sur leurs souhaits. A ce jour, un groupe d’une trentaine de jeunes femmes a été créé et travaille déjà sur deux projets. L’initiative a déjà pris une belle ampleur et nous nous en réjouissons.

Quels types de problèmes ces jeunes femmes rencontrent-elles au quotidien ?

Le sexisme qu’elles subissent dans leur environnement de travail est le problème principal qu’elles dénoncent quasiment toutes. C’est à se demander si la société actuelle ne fait pas marche arrière !

Quels sont vos prochains événements ?

Le 27 mars, nous organisons une conférence intitulée Egalité de sexes et liberté de religion. Et le 6 avril, une table ronde en collaboration avec le Bureau d’information du Parlement européen parlera des Femmes dans la prise de décision économique. Les deux se tiendront à neimenster.

CNFL

Propos recueillis par Isabelle Couset