Les règlements internes, règlements d’ordre intérieur ou règlements intérieur, quelle que soit leur dénomination, deviennent monnaie courante dans les moyennes et grandes entreprises au Luxembourg. Bien qu’ils présentent de nombreux avantages, leur utilisation demeure encore limitée et reste bien plus répandue au sein des groupes internationaux, où les Code of conduct ou Employee handbook sont bien plus ancrés dans la culture d’entreprise.

Au Luxembourg, aucun texte ne donne de définition ni ne délimite les pourtours de cette notion, à la différence des pays voisins, comme la France, qui a encadré cette notion par de multiples dispositions du Code du travail. Seules quelques dispositions parcellaires du Code du travail luxembourgeois imposent le respect du principe d’égalité de traitement des salariés (1) ainsi que le respect de certaines modalités lors de son adoption ou de sa modification par les délégués du personnel (2) et/ou le  comité mixte (3).

Pour l’employeur, adopter un règlement intérieur, présente des intérêts multiples, tant d’un point de vue organisationnel que d’un point de vue relationnel. Quelles sont donc les raisons pouvant motiver l’adoption d’un tel règlement ? Une analyse pragmatique conduit à dégager 5 raisons d’adopter un tel outil.

1. Un cadre aux règles de l’entreprise

En l’absence de réglementation, des terminologies différentes sont employées pour désigner ce cadre de règles applicables aux salariés et dont la portée sera différente selon qu’il prévoit ou non des sanctions.

En pratique, on retrouvera principalement deux catégories d’instruments :
  • les instruments d’information, tels que les  notes de services, règlements de service ou d’atelier ne comprenant que des consignes de bonne utilisation du matériel ou un descriptif des fonctions et des tâches dans l’entreprise ;
  • les instruments contraignants qui, à la différence des premiers, contiennent des sanctions, telles que les règlements intérieurs, les codes de conduite ou code d’éthique.
L’adoption d’un instrument contraignant, tel qu’un règlement intérieur, va permettre à l’employeur de matérialiser son pouvoir de direction au sein de son entreprise par le biais d’un cadre unique de règles que les salariés seront tenus de respecter, alors même qu’aucune obligation légale n’impose l’instauration d’un tel outil.

Son utilité varie, toutefois, en fonction de plusieurs facteurs et, notamment :
  • du secteur d’activité ;
  • du nombre de salariés ; ou encore
  • de l’existence ou non de convention collective dans le secteur considéré.
Si une règle devait être tracée, l’utilité d’un tel règlement intérieur s’entrevoit plus aisément pour les entités qui comptent déjà un certain nombre de salariés.

2. Un contenu sur mesure aux besoins de l’entreprise

Ni sa forme, ni son contenu ne sont réglementés, mais l’employeur bénéficie d’une certaine liberté pour gérer son entreprise. Le règlement intérieur pourra ainsi définir les obligations respectives de l’employeur et de ses salariés dans leur rapport quotidien de travail.

Plus encore, il pourra couvrir tous les domaines que l’employeur estime importants et nécessaires pour contribuer au bon fonctionnement de son entreprise, comme par exemple :
  • l’accès à l’entreprise, les horaires de travail et l’obligation de ponctualité ;
  • la sécurité et la santé des salariés ;
  • la tenue vestimentaire des salariés ;
  • l’usage du matériel et des locaux de l’entreprise, etc.
Le règlement intérieur formalisera également par écrit toutes les règles d’usage dans l’entreprise pour assurer le respect des procédures en vigueur relativement à :
  • la gestion des congés et des absences ;
  • l’information nécessaire et les procédures en cas de harcèlement dans l’entreprise ;
  • la fin de la relation de travail, etc.
Le règlement intérieur devra être élaboré en fonction des besoins, mais aussi des spécificités de l’entreprise.

L’employeur pourra ainsi fixer des règles relatives à l’usage des ressources informatiques de l’entreprise et à la surveillance des salariés (4) par ce biais, en spécifiant, par exemple que : « l'utilisation d'Internet est réservée à des fins professionnelles. Toutefois, un usage à des fins personnelles est toléré à condition que celui-ci ait lieu en dehors des heures effectives de travail, demeure raisonnable, ne perturbe pas le bon fonctionnement du réseau et soit conforme en tout point aux règles d’utilisation générales stipulées au règlement intérieur ».

3. Une application uniforme des règles de l’entreprise

Le troisième atout d’un règlement intérieur consiste dans une application uniforme des principes et des conditions de travail à l’ensemble des salariés, tout en instaurant une discipline commune à l’entreprise.

Afin d’assurer cette application générale, il conviendra, au moment de son adoption, de distinguer deux hypothèses :
  • pour les futurs salariés, une clause pourra être insérée dans leur contrat de travail stipulant que le règlement intérieur en fait partie intégrante et que le salarié en a expressément pris connaissance ;
  • pour les salariés existants : l’employeur s’assurera de remettre un exemplaire du règlement intérieur à chacun de ses salariés, qui le contresignera et qui sera ensuite affiché dans un endroit visible et accessible à tous les salariés de l’entreprise. Une fois que les salariés en auront pris connaissance, le règlement intérieur leur sera uniformément applicable.
L’instauration d’un règlement intérieur permet ainsi à l’employeur de modifier unilatéralement, ou à tout le moins, d’initier la modification de clauses non substantielles du contrat de travail de ses salariés. Ce principe vaudrait également pour les clauses qui paraissent, a  priori, être substantielles au contrat de travail (rémunération, fonction du salarié, lieu, horaire et durée du travail, etc.) puisque la Cour d’appel a récemment validé la modification du contrat de travail de salariés sur le lieu et l’horaire (5) de travail, telle qu’elle résultait du règlement intérieur.

Enfin, au sein des groupes de sociétés à vocation internationale, le même Code of conduct est souvent repris dans l’ensemble des entités du groupe. Cela peut néanmoins générer un risque dans la mesure où les procédures et règles établies dans un autre pays pourraient s’avérer plus contraignantes que celles définies par le Code du travail luxembourgeois. Il reste néanmoins possible, dans ce contexte, d’avoir un socle commun à l’ensemble des entités du groupe définissant, par exemple, les valeurs de l’entreprise, tout en adaptant les procédures aux dispositions impératives de chaque pays.

4. Un renforcement des pouvoirs de l’employeur

L’employeur doit pouvoir sanctionner le non-respect des règles qu’il a érigées dans son règlement intérieur, faute de quoi, il n’aurait aucune utilité.

Le Code du travail ne prévoit en l’occurrence que deux types de sanctions, à savoir le licenciement avec préavis ou avec effet immédiat. La jurisprudence a, de son côté, reconnu l’avertissement donné au salarié comme une sanction valable. La Cour de cassation a, de plus, récemment admis (6) que les clauses d’un accord collectif, en l’occurrence d’une convention collective, qui sanctionneraient les salariés, en procédant à une retenue sur le salaire du salarié, sont valables à condition qu’elles soient proportionnées et justifiées au but recherché, à savoir la sanction d’une faute commise par un salarié.

L’employeur disposerait ainsi d’un éventail de sanctions pour moduler et adapter le non-respect des règles de son règlement intérieur. Un licenciement reposant sur l’absence de ponctualité d’un salarié à son poste de travail (7) a été admis par la Cour d’appel car l’entreprise avait mis l’accent sur cette obligation particulière de ponctualité dans son règlement intérieur.

La rédaction de telles clauses doit cependant être faite avec précision quant à la nature même de la sanction afin qu’elles ne soient pas jugées plus contraignantes que celles prévues par le Code du travail et s’avéreraient dès lors inopposables au salarié.

5. Une mise en œuvre peu contraignante

Lors de sa mise en place et/ou de sa modification, l’employeur devra, selon le nombre de salariés dans l’entreprise, associer les délégués du personnel ainsi que le comité mixte, lesquels bénéficient soit d’un droit de regard, soit d’un pouvoir décisionnel.
  • L’entreprise dotée d’une délégation de personnel (8) (au-delà de 15 salariés) devra consulter les membres de la délégation. L’avis de la délégation du personnel n’est néanmoins pas contraignant pour le chef d’entreprise qui pourra décider de passer outre cet avis pour mettre en place son règlement intérieur.
  • En revanche, si l’entreprise dispose d’un comité mixte (9) (au-delà de 150 salariés), la mise en place et/ou la modification du règlement interne se fera de concert avec le comité. Ce dernier dispose d’un véritable pouvoir décisionnel, notamment sur les mesures concernant la santé et la sécurité des salariés ainsi que la prévention des maladies professionnelles, les critères généraux concernant la sélection personnelle en cas d’embauchage, de promotion, et de mutation.
Le non-respect par l’employeur de ces procédures de consultation ou d’accord entraînera de plein droit la nullité du règlement intérieur ou des dispositions qu’il aura modifiées seul.

En conclusion, le règlement interne est doté d’une portée importante encadrant le fonctionnement de l’entreprise et les rapports employeur/salariés. L’employeur dispose ainsi d’un outil polyvalent:
  • de prévention des risques et des comportements fautifs des salariés ;
  • d’information par lequel les salariés sont et seront toujours informés des valeurs de l’entreprise ainsi que les règles applicables au sein de cette dernière ;
  • de contrôle de l’utilisation conforme des ressources de l’entreprise par les salariés puisqu’il pourra contenir notamment des règles sur l’utilisation d’Internet et des emails par les salariés dans l’entreprise, voire même contenir en annexe de celui-ci une véritable charte informatique ;
  • de flexibilisation du pouvoir de l’employeur lorsque le règlement intérieur prévoit un éventail de sanctions.

Me Michel Molitor
Partner

Me Nadine Bogelmann
Partner

MOLITOR Avocats à la Cour

(1) Articles L.241-9 et L.253-3 du Code du travail.
(2) Article L.414-1 du Code du travail.
(3) Article L.423-1du du Code du travail.
(4) Conformément à la loi du 2 août 2002, relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à  caractère personnel, telle que modifiée. Article L.261.1 du Code du travail en matière de traitement de données à caractère personnel à des fins de surveillance sur le lieu de travail.
(5) Cour d’appel, arrêt du 14 juillet 2011, n° 36088 du rôle.
(6) Cour de cassation, arrêt du 25 avril 2013, n° 31/13 du rôle.
(7) Cour d’appel, arrêt du 27 juin 2013, n°38837 du rôle.
(8) Articles L. 411-1 et suivants et L. 414-1 du Code du travail.
(9) Articles L. 423-1 et suivants du Code du travail.